Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/151

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il ajouta, et Dieu soit béni de nous avoir daigné donner par lui encore cet enseignement : « Voici comment on distingue l’Esprit de Dieu ». Courage, écoutez ; écoutez, saisissez, distinguez bien ; attachez-vous à la vérité, résistez à ce qui est faux. « Voici comment se reconnaît l’Esprit de Dieu ». Comment, de grâce ? C’est ce que j’ambitionne d’apprendre : « Tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair, est de Dieu ; et tout esprit qui nie que Jésus-Christ se soit incarné, n’est pas de Dieu[1] ». Par conséquent, mes bien-aimés, repoussez dès maintenant loin de vous tout raisonneur, tout prédicateur, tout écrivain et tout calomniateur qui nie l’Incarnation de Jésus-Christ. Par conséquent aussi, éloignez les Manichéens de vos demeures, de vos oreilles et de vos cœurs ; car les Manichéens nient hautement cette Incarnation du Christ ; d’où il suit que leurs esprits ne viennent pas de Dieu.

3. Je vois ici par où le loup cherche à pénétrer ; je le vois et je vais montrer de toutes mes forces combien il faut s’en détourner. J’ai dit, ou plutôt j’ai rappelé ces paroles de l’Apôtre : « Tout esprit qui nie l’Incarnation de Jésus-Christ, ne vient pas de Dieu ». Or les Manichéens incidentent sur ce passage et s’écrient : Puisque l’esprit qui nie l’Incarnation de Jésus-Christ ne vient pas de Dieu, d’où vient-il ? Oui, d’où vient-il, s’il ne vient pas de Dieu ? Dès qu’il existe, ne vient-il pas sûrement d’ailleurs ? Mais, dès qu’il ne vient pas de Dieu et qu’il vient d’ailleurs, ne vois-tu pas ici l’existence des deux natures ? Voilà bien le loup ; tendons des rêts pour nous préserver, poursuivons-le, saisissons-le, puis l’égorgeons. Oui, égorgeons-le, mort à l’erreur ; mais aussi salut à l’homme. Ces seuls mots que je viens de prononcer : Saisissons-le et l’égorgeons ; mort à l’erreur et salut à l’homme, tranchent la question. Mais rappelez-vous ce que j’ai avancé ; car si vous oubliez la question, vous ne comprendriez pas la réponse. « Tout esprit qui nie l’Incarnation de Jésus-Christ ne vient pas de Dieu ». D’où vient-il donc, s’écrie aussitôt le Manichéen ? S’il ne vient pas de Dieu, il vient d’ailleurs ; et s’il vient d’ailleurs, voilà mes deux natures. – Retenez bien cette objection et reportez vos esprits sur ces mots : Saisissons et égorgeons, mort à l’erreur et salut à l’homme. L’erreur ne vient pas de Dieu, mais de Dieu vient l’homme. Encore les paroles qui renferment la question : « Tout esprit qui nie l’Incarnation de Jésus-Christ ne vient pas de Dieu ». J’ajoute : « Par lui tout a été fait[2]. – Que tout esprit loue le Seigneur[3] ». Mais si tout esprit ne vient pas de Dieu, comment l’esprit qui ne vient pas de lui est-il appelé à louer le Seigneur ? Oui, que tout esprit loue le Seigneur. Je vois ici deux choses, je vois un malade ; guérissons le mal et sauvons la nature. Le mal n’est pas la nature, il en est l’ennemi. Supprime le mal qui te fait languir, restera la nature qui te portera à bénir. N’est-ce pas contre le mal et non contre la nature que se déclare la médecine ? « Tout esprit qui nie l’Incarnation de Jésus-Christ ne vient pas de Dieu ». C’est en tant qu’il nie cette Incarnation, qu’il ne vient pas de Dieu, attendu que ce n’est pas de Dieu que vient cette erreur. Pourquoi, mes frères, notre régénération ? Pourquoi une seconde naissance, si la première était parfaite ? Cette seconde naissance est destinée à réparer la nature corrompue, à relever la nature tombée, à réformer et à embellir la nature dégradée et défigurée. Car au seul Créateur, Père, Fils et Saint-Esprit ; à cette unité en trois personnes, à cette Trinité en une seule nature, à cette seule nature immuable et invariable, qui ne peut ni défaillir ni progresser, il appartient et de ne pas tomber pour s’amoindrir, et de ne pas s’élever pour s’agrandir, car elle est seule parfaite, seule éternelle et seule immuable sous tous rapports. Quant à la créature, toute bonne qu’elle soit, à quelle distance elle est du Créateur ! Vouloir égaler la créature au Créateur, c’est chercher à s’unir à l’ange apostat.

4. Que l’âme sache donc ce qu’elle est ; elle n’est pas Dieu. En se croyant Dieu elle outrage Dieu, et au lieu d’être sauvée par lui, elle est par lui condamnée. En condamnant les âmes perverses, Dieu ne se condamne pas ; or, il se condamnerait, si l’âme était Dieu. Ah ! mes frères, honorons notre Dieu. Nous lui crions : « Délivrez-nous du mal[4] ». Un souffle tentateur vient-il te troubler durant la prière et te dire : Pourquoi crier « délivrez-nous du

  1. 1Jn. 4, 1-3
  2. Jn. 1, 3
  3. Psa. 150, 6
  4. Mat. 6, 13