Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/198

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autres par une étoile ; et comme les anges habitent le ciel et que les astres en sont l’ornement, on peut dire qu’aux bergers et aux Mages les cieux ont raconté la gloire de Dieu.

2. C’est que pour les uns et les autres venait d’apparaître la pierre angulaire, « afin de fonder sur elle, comme s’exprime l’Apôtre, les deux peuples dans l’unité de l’homme nouveau, d’établir la paix, de les changer tous deux en les réconciliant avec Dieu par le mérite de la croix, pour en former un seul corps ». Qu’est-ce en effet qu’un angle, sinon ce qui sert à lier deux murs qui viennent de directions différentes et qui se donnent là comme le baiser de paix ? La circoncision et l’incirconcision ; en d’autres termes, les Juifs et les Gentils étaient ennemis entre eux, à cause de la diversité, de l’opposition même qu’établissaient, d’une part le culte du seul vrai Dieu, et d’autre part le culte d’une multitude de faux dieux. Ainsi les uns étaient rapprochés, les autres éloignés de lui ; mais il a attiré à lui les uns comme les autres « en les réconciliant avec Dieu pour former un seul corps, détruisant en lui-même leurs inimitiés, comme ajoute immédiatement l’Apôtre. Il a aussi, en venant, annoncé la paix et à vous qui étiez éloignés, et à ceux qui étaient près de lui ; car c’est par lui que nous avons accès les uns et les autres auprès du Père dans un même Esprit[1] ». N’est-ce pas mettre en quelque sorte sous nos yeux ces deux murs qui partent de points opposés et ennemis ; puis cette pierre angulaire, Jésus Notre-Seigneur, auquel se rattachent les deux ennemis et en qui ils font la paix ? Je veux parler ici des Juifs et des Gentils qui ont cru en lui et à qui il semble qu’on ait dit : Et vous qui êtes près, et vous qui êtes loin, « approchez de lui, et soyez éclairés, et vous n’aurez point la face couverte de confusion[2] ». Il est écrit d’ailleurs : « Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse ; et quiconque aura foi en elle ne sera point confondu[3] ». Les cœurs dociles et soumis sont venus des deux côtés, ils ont fait la paix et mis fin à leurs inimitiés ; les bergers et les Mages ont été comme les prémices de ce mouvement. C’est en eux que le bœuf a commencé à connaître son maître et l’âne l’étable de son Seigneur[4]. Celui de ces deux animaux qui a des cornes représente les Juifs, à cause des deux branches de la croix qu’ils ont préparée au Sauveur ; et celui qui a de longues oreilles rappelle les Gentils desquels une prophétie disait : « Le peuple que je ne connaissais point m’a obéi, il m’a prêté une oreille docile[5] ». Quant au Maître du bœuf et de l’âne, il était couché dans la crèche et semblait servir aux deux animaux une même nourriture. C’était donc la paix et pour ceux qui étaient loin et pour ceux qui étaient près. Aussi les bergers d’Israël, qui étaient tout près, se présentèrent au Christ le jour même de sa naissance, ils le virent et tressaillirent de bonheur ce jour-là. Plus éloignés, les Mages de la Gentilité n’arrivèrent à lui qu’aujourd’hui, plusieurs jours après sa naissance ; aujourd’hui seulement ils le virent et l’adorèrent. Ne devions-nous donc pas, nous qui sommes l’Église recrutée parmi les Gentils, célébrer solennellement ce jour où le Christ s’est manifesté aux prémices de la Gentilité, comme nous célébrons solennellement aussi cet autre jour où il est né parmi les Juifs, et consacrer par une double fête la mémoire de si imposants mystères ?

3. Quand on se rappelle ces deux murailles de la Judée et de la Gentilité qui viennent s’unir à la pierre angulaire pour y conserver l’unité d’esprit dans le lien de la paix[6], on ne doit pas s’étonner de voir le grand nombre des Juifs réprouvés. Parmi eux étaient des architectes, c’est-à-dire des hommes qui prétendaient être docteurs de la loi ; mais, comme s’exprime l’Apôtre, « ils ne comprenaient ni ce qu’ils disaient, ni ce qu’ils affirmaient[7] », Cet aveuglement d’esprit leur fit rejeter la pierre placée au sommet de l’angle[8] ; cette pierre, néanmoins, ne serait pas la pierre angulaire si par le ciment de la grâce elle n’unissait dans la paix les deux peuples d’abord opposés. Ne voyez donc point dans la muraille formée par Israël les persécuteurs et les assassins du Christ, ces hommes qui ont renversé la foi sous prétexte d’affermir la loi, qui ont rejeté la pierre angulaire et attiré la ruine de leur infortunée patrie. Ne pensez pas à ces Juifs répandus en si grand nombre dans tout pays pour rendre témoignage aux saints livres qu’ils portent partout sans les comprendre. Ils sont pour ainsi dire la jambe boiteuse de

  1. Eph. 11, 11-22
  2. Psa. 33, 6.
  3. 1Pi. 2, 6.
  4. Isa. 1, 3.
  5. Psa. 17, 45.
  6. Eph. 4, 3.
  7. 1Ti. 1, 7.
  8. Psa. 117, 22