Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/233

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il, les joies du Seigneur, pour être à l’abri dans son sanctuaire[1] ».

2. Voyez-vous, mes compagnons d’apprentissage, à quelle félicité divine vous parviendrez en rejetant les plaisirs du siècle ? Si vous méprisez le monde, vous n’aurez plus le cœur immonde, et vous verrez l’Auteur du monde, et par sa grâce vous triompherez du monde comme il en a triomphé. Oui, vous le vaincrez bientôt et vous le foulerez aux pieds, pourvu que vous comptiez, non pas sur vos forces, mais sur le secours miséricordieux du Seigneur. Ah ! ne vous dédaignez point, car on ne voit pas encore ce que vous serez ; sachez seulement que quand Dieu se montrera vous lui serez semblables, et ce que vous devez être se verra alors. Sachez que vous le verrez, non point tel qu’il est venu parmi nous dans la plénitude des temps, mais tel qu’il était en nous créant et qu’il sera toujours[2]. Dépouillez-vous du vieil homme et vous revêtez de l’homme nouveau[3]. Le Seigneur veut faire un pacte avec vous. Vous avez vécu pour le siècle, en vous livrant à la chair et au sang et en portant l’image de l’homme terrestre. De même donc que vous avez porté l’image de cet homme sorti de terre, portez ainsi désormais l’image de Celui qui est descendu du ciel[4]. « C’est parler humainement », car si le Verbe s’est fait chair, « c’est pour vous porter à faire maintenant servir vos membres d’instruments à la justice, comme auparavant vous faisiez de vos corps des instruments d’iniquité pour commettre le péché[5] ». Pour vous donner la mort, votre ennemi s’armait contre vous de vos propres traits ; pour vous donner la vie, il faut qu’à son tour votre défenseur trouve des armes dans vos membres. Le premier ne pourra vous nuire si vous vous arrachez à lui sans qu’il puisse vous retenir ; et le second vous abandonnera justement si vos vœux, si votre volonté ne s’accorde pas avec la sienne.

3. Voici à quelle condition, à quel prix on propose à votre foi de vous vendre le royaume des cieux : regardez avec soin, amassez tous les biens de votre âme, réunissez, sans rien oublier, toutes les richesses de votre cœur. Et toutefois vous achetez gratuitement, si vous reconnaissez la grâce toute gratuite qui s’offre à vous. Vous ne déboursez rien, et vous acquérez beaucoup. Pourquoi vous avilir à vos propres yeux[6], quand le Créateur de tout l’univers et le vôtre vous estime à un si haut prix, que, pour vous, il fait couler chaque jour le sang adorable de son Fils unique ? Or, vous ne vous avilirez point, si vous savez distinguer ce qui est précieux de ce qui est vil ; si vous ne servez pas la créature moins le Créateur ; si vous ne vous laissez point maîtriser par ce qui est au-dessous de vous, vous conservant ainsi purs de tout péché grave et mortel ; si en recueillant la semence de la divine parole que maintenant même répand dans vos cœurs le laboureur céleste, vous ne la laissez point fouler aux pieds par les indignes qui passent dans le chemin, ni dessécher follement quand elle germe déjà, comme si elle n’avait trouvé que des pierres dans votre conscience endurcie, ni étouffer enfin au milieu des épines et du mouvement funeste de vos passions. En évitant avec horreur d’être stériles comme cette terre ingrate et vouée à la malédiction, vous rencontrerez un terrain riche et fertile où avec une joie immense vous représenterez au divin Semeur, qui vous aura en même temps arrosés, sa semence multipliée au centuple, ou bien, si vous ne pouvez aller jusque-là, vous lui rendrez soixante pour un ; il se contentera même de trente, si vous ne pouvez atteindre à soixante[7] ; puisque tous seront reçus dans les greniers célestes, admis à l’éternel repos. Ce pain céleste du bonheur sera formé du travail de tous les élus ; et chacun des ouvriers qui travaillent loyalement à la vigne du Seigneur en recevra largement et s’en rassasiera avec joie. N’est-il pas vrai que Celui qui sème, qui fait pleuvoir, qui arrose et qui, tout à la fois, donne encore l’accroissement, fait briller partout sa gloire à l’aide de la prédication évangélique ?

4. Approchez donc de lui avec un cœur brisé, car il est près de tous ceux qui se brisent le cœur ; soyez humbles d’esprit et il vous sauvera[8]. Approchez à l’envi pour être éclairés, car vous êtes encore au milieu des ténèbres, ces ténèbres vous pénètrent même. Vous serez alors lumière dans le Seigneur, lequel « éclaire tout homme venant en ce monde[9] ». Vous avez l’esprit du siècle, reformez-vous sur l’Esprit de Dieu. Prenez enfin à dégoût la captivité de Babylone. Voici Jérusalem, voici

  1. Psa. 26, 3-4
  2. 1Jn. 3, 2
  3. Col. 3, 9, 10
  4. 1Co. 15, 49
  5. Rom. 6, 19
  6. Psa. 18, 14
  7. Mat. 13, 1-23
  8. Psa. 33, 19
  9. Jn. 1, 9