Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/30

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j’approuve la loi quand je veux faire le bien et que le mal réside en moi ». Quel mal ?

14. « Je me complais dans la loi de Dieu selon l’homme intérieur ; mais je vois dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit et qui m’assujettit à cette loi du péché, laquelle est dans mes membres ». Il est donc captif, mais dans sa chair ; captif, mais dans une partie seulement de lui-même ; car son âme résiste au mal et s’attache à la loi de Dieu. Tel est bien le sens que nous devons donner à ces mots, si nous les entendons de l’Apôtre même. D’où il suit que si la volonté ne consent ni aux tentations, ni aux inspirations, ni aux caresses du péché ; si elle préfère à ces jouissances les jouissances qu’elle goûte intérieurement et avec qui les premières n’ont rien de comparable ; si elle n’y consent pas, il y a en nous de la vie et de la mort ; la mort travaille, mais l’esprit vit et résiste. La mort même n’est-elle pas en toi ? Est-ce que cette partie morte ne fait point partie de toi-même ? Tu as donc à lutter encore. Et qu’as-tu à espérer ?

15. « Misérable homme que je suis ! » Oui, misérable dans mon corps, sinon dans mon esprit, car je suis également et dans l’un et dans l’autre, nul ne haïssant jamais sa chair[1]. « Misérable homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? » Que signifie ce langage, mes frères ? L’Apôtre semble vouloir n’avoir plus de corps. Mais pourquoi cet empressement ? Si tu n’aspires qu’à être séparé de ton corps, la mort viendra, et ton dernier jour t’éloignera de ton corps sans aucun doute. Est-il si nécessaire de gémir ? Pourquoi donc dire. « Qui me délivrera? » Un mortel, un mourant peut-il parler ainsi ? Oui, ton âme se séparera enfin du corps : la vie étant courte, cette séparation n’est pas éloignées l’époque même en est incertaine, à cause des accidents qui surviennent chaque jour. Ainsi qu’on hâte ou qu’on ralentisse le pas, toute vie humaine est de courte durée. Est-il donc besoin de gémir et de t’écrier : « Qui me délivrera du corps de cette mort ? »

16. Il ajoute : « C’est la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur » : Ainsi les païens, qui n’ont pas la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, seront exempts de la mort ? Jamais, pas même au dernier jour, ils ne quitteront leur corps ? – Ils ne seront pas ce jour-là affranchis du corps de cette mort ? Pourquoi donc attribuer, comme une si grande faveur, à la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, d’être délivré du corps de cette mort ? – Si nous avons bien saisi le sens de l’Apôtre, ou plutôt, comme il est sûr que nous l’avons bien saisi, avec l’aide du Seigneur, voici ce que te répond l’Apôtre : Je sais ce que je dis. Tu prétends que les païens seront délivrés du corps de cette mort, parce que viendra pour eux le dernier jour de la vie et qu’il les en séparera. Mais viendra également le jour « où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront aussi la voix » du Christ, « et où tous ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter à la vie » : ils seront ainsi délivrés du corps de cette mort ; alors aussi « ceux qui ont fait le mal sortiront pour ressusciter à leur condamnation ». Les voilà donc rentrés dans le corps de cette mort ; ce corps sera rendu à l’impie pour ne le plus quitter ; et ce sera, non pas l’éternelle vie, mais l’éternelle mort ou la peine éternelle.

17. Pour toi donc, chrétien, prie de toutes tes forces, écrie-toi : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? » On te répondra : Ton salut viendra, non de toi, mais de ton Seigneur, du gage divin que tu as reçu. Espère que tu posséderas avec le Christ le règne même du Christ ; n’as-tu pas son sang pour gage ? Dis donc, dis toujours : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » afin qu’on te réponde : « La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». L’affranchissement du corps de cette mort ne consistera pas à ne l’avoir plus : tu l’auras, mais il ne sera plus de cette mort. Ce sera donc lui et ce ne sera plus lui. Ce sera lui, attendu que ce sera la même chair ; et ce ne sera plus lui, parce qu’il ne sera plus mortel. Oui cet affranchissement consistera en ce que ce corps mortel revêtira l’immortalité, en ce que corruptible, il revêtira l’incorruptibilité. De qui et par qui lui viendra cette transformation ? « De la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Ainsi par un homme est venue la mort, « et par un homme la résurrection des morts. « Et comme tous meurent en Adam » ; c’est le motif de nos larmes : « comme tous meurent en Adam » ; c’est le sujet de nos gémissements, c’est la cause de nos luttes contre la mort ;

  1. Eph. 5, 29