Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/31

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c’est le principe de ce corps de mort ; tous aussi revivront dans le Christ[1] ». Tu revivras en te réunissant à ton corps devenu immortel, et tu pourras dire alors : « O mort, où est ton ardeur ? » Tu seras donc affranchi du corps de cette mort, non pas grâce à toi, mais « grâce à Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Tournons-nous avec un cœur pur, etc.


SERMON CLV.
SORT HEUREUX DU VRAI CHRÉTIEN[2].

ANALYSE. – Ce sermon n’est que l’explication des onze versets indiqués au renvoi. Par conséquent saint Augustin y montré, comme saint Paul, combien est heureux le sort du vrai chrétien. Premièrement en effet, malgré les mouvements désordonnés qu’il éprouve, il n’est ni coupable, ni sujet à, condamnation, car il trouve dans la loi nouvelle la grâce de n’y pas consentir, et cette grâce est due à l’immolation du Sauveur devenu victime du péché pour l’amour de nous. Ah ! prenons donc grand soin de vivre de la vie de l’esprit et non de la vie de la chair, de nous appuyer sur Jésus-Christ et non pas sur nous. Secondement, le vrai chrétien, en profitant de la grâce évangélique durant cette vie, parviendra sûrement à la gloire de la résurrection bienheureuse après sa mort.

1. La lecture que nous avons faite hier du saint Apôtre s’est terminée à ces mots : Ainsi donc j’obéis par l’esprit à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché ». Cette conclusion démontre qu’en disant un peu plus haut : « Alors ce n’est pas moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi[3] », saint Paul voulait faire entendre qu’il n’y avait en lui aucun consentement de la volonté, mais seulement la convoitise de la chair. C’est donc cette convoitise qu’il appelle péché, parce qu’elle est la source de tous les péchés. De fait, tout ce qu’il y a de mauvais dans nos paroles, dans nos actions et dans nos pensées ne provient que d’aspirations désordonnées, que de jouissances coupables. Mais si nous résistons à ces attraits pervers, si nous n’y consentons pas, si nous n’y abandonnons pas nos membres comme des instruments, le péché ne règne point dans notre corps mortel. Son règne tombe en effet, avant que lui-même soit anéanti ; il perd dans cette vie tout empire sur les saints, et dans l’autre il expire ; il perd l’empire quand nous n’allons pas à la remorque de nos convoitises, et plus tard il expirera, et l’on s’écriera alors : « O mort, où est ton ardeur ? »

2. Après donc avoir dit : « J’obéis par l’esprit à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché », non pas en livrant mes sens à l’iniquité, mais en éprouvant des impressions de convoitise désordonnée sans toutefois Y donner les mains, l’Apôtre ajoute : « Maintenant donc il n’y a point de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ ». Il y a condamnation pour ceux qui vivent – dans la chair ; mais pour ceux qui vivent en Jésus-Christ, absolument aucune. Remarque : il parle ici de ce qui arrive maintenant, et non de ce qui arrivera plus tard. Espère, pour plus tard, de ne ressentir même plus de convoitise, de n’avoir plus ni à faire effort, ni à lutter contre elle, ni à lui refuser ton consentement, ni à l’assujettir, ni à la dompter ; espère cela pour plus tard, car il n’y aura plus alors de concupiscence assurément : Eh ! si ce corps mortel s’insurgeait alors contre nous, ne serait-il pas faux de dire : « O mort, où est ton ardeur ? » Voici donc ce qui arrivera plus tard : « Alors s’accomplira cette parole de l’Écriture : La mort a été anéantie dans sa victoire. O mort, où est ton ardeur dans la lutte ? O mort, où est ton aiguillon ? Car l’aiguillon de la mort est le péché, et la force du péché, la loi[4] » ; puisqu’au lieu d’éteindre le désir,

  1. 1Co. 15, 21-22
  2. Rom. 8, 1-11
  3. Rom. 7, 25, 20
  4. 1Co. 15, 54-56