Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/32

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la loi n’a fait que l’exciter ; elle l’a même fortifié en commandant à l’oreille sans aider l’âme. C’est ce qui ne se verra plus alors. Mais maintenant ? Tu veux le savoir ? L’Apôtre vient de le dire : « Maintenant ce n’est plus moi qui fais cela ». Remarque ce maintenant. Que signifie : « Ce n’est pas moi qui fais cela ? » – Je n’y consens pas, je n’y acquiesce pas, je ne dis pas oui, je repousse toujours, je réprime mes sens. Or c’est beaucoup. La concupiscence venant de la chair et les sens aussi étant de chair, quand le péché ou la concupiscence ne règne pas, c’est que l’esprit a plus d’empire sur ces sens pour les empêcher de devenir des membres d’iniquité, que la concupiscence elle-même pour les y porter. Sans doute on sent encore le mouvement des sens et de la convoitise ; mais c’est l’esprit qui gouverne, pourvu toutefois qu’il soit soutenu par le ciel ; car en le laissant trop résister à la grâce de Dieu, nous ferions de lui non pas un roi mais un tyran. Lors donc qu’il gouverne parce qu’il consent à être gouverné lui-même, son empire s’affermit à tel point sur les sens et sur la concupiscence, qu’il devient capable d’observer cette recommandation de l’Apôtre. « Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel jusqu’à vous faire obéir à ses convoitises ; et n’abandonnez point vos membres au péché comme des instruments d’iniquité[1] ».

3. « Ainsi il n’y a plus maintenant de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ ». Qu’ils ne s’inquiètent pas de ressentir encore des mouvements désordonnés ; qu’ils ne s’inquiètent pas de voir encore dans leurs organes une loi qui s’élève contre la loi de l’esprit. « Il n’y a plus pour eux de condamnation ». Mais à quelle condition ? A quelle condition même maintenant ? Qu’ils soient « en Jésus-Christ ». Et comment accorder cela avec cette autre pensée exprimée un peu plus haut : « Je vois dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit et qui m’assujettit à cette loi du péché, laquelle est dans mes membres[2] ? » Moi désigne ici la chair et non l’esprit. Mais enfin qu’est devenue cette loi, s’il « n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ ? C’est qu’il y a une loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ ». Une loi, non pas la loi de la lettre donnée sur le mont Sina ; une loi, non pas celle qui repose sur l’ancienneté de la lettre ; mais « la loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ : c’est elle qui t’a affranchi de la loi du péché et de la mort ». Eh ! comment pourrais-tu te complaire intérieurement dans la loi de Dieu, si cette loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ ne t’affranchissait de la loi du péché et de la mort ? O âme humaine, ne t’attribue rien, ne sois pas trop fière, ou plutôt ne le sois pas du tout ; si tu ne consens pas, ô volonté humaine, aux aspirations de la chair, si la loi du péché ne te fait pas tomber du trône, c’est que « la loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ t’a affranchi de la loi de la mort et du péché ». Cet affranchissement n’est pas dû à cette autre loi dont il vient d’être dit : « Obéissons dans la nouveauté de l’esprit et non dans la vétusté de la lettre[3] ». Pourquoi ? Cette loi n’a-t-elle pas été écrite, elle aussi, avec le doigt de Dieu ? Et le doigt de Dieu n’est-il pas l’Esprit-Saint ? Lis l’Évangile, tu constateras que la pensée du Seigneur rendue par ces mots d’un Évangéliste : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons[4] » ; un autre Évangéliste l’exprime ainsi : « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons[5] ». Mais si cette loi ancienne fut écrite, elle aussi, par le doigt ou par l’Esprit de Dieu, par cet Esprit qui l’emporta sur les magiciens de Pharaon et qui leur fit dire : « Le doigt de Dieu est ici[6] » ; oui, si cette loi, ou mieux, puisque cette loi a été écrite, elle aussi, par le doigt ou par l’Esprit de Dieu, pourquoi ne la nommerait-on pas « la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus ? »

4. Ce n’est pas elle en effet, ce n’est pas cette loi du Sinaï que l’on appelle la loi du péché et de la mort. On appelle ainsi celle qui inspirait ces gémissements : « Je vois dans mes membres une autre loi qui s’élève contre la loi de mon esprit ». Mais de cette loi mosaïque il est dit ; « Par conséquent la loi est sainte, et le commandement saint, juste et bon ». L’Apôtre continue : « Ainsi donc ce qui est bon est devenu pour moi la mort ? Loin de là. Mais le péché, pour se montrer péché, a, par ce qui est bon, produit en moi la mort, de manière qu’on a dépassé la mesure en péchant ainsi par le commandement même ». Que révèlent ces mots. « Dépassé

  1. Rom. 6, 12, 13
  2. Rom. 7, 23
  3. Rom. 7, 6
  4. Mat. 12, 28
  5. Luc. 11, 20
  6. Exo. 8, 19