Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/34

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cœurs ; oui, je les graverai dans leurs cœurs[1] ». Ah ! si cette loi divine est gravée dans ton cœur, point de terreurs venues du dehors, goûte plutôt ses charmes intérieurs, et cette « loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ t’a affranchi de la loi de péché et de mort ».

7. « Car ce qui était impossible à la loi » c’est la suite du texte de l’Apôtre, « ce qui était impossible à la loi ». Pourtant n’accuse pas la loi, car saint Paul ajoute : « Attendu qu’elle était affaiblie par la chair » ; ordonnant sans qu’on l’accomplît, à cause des résistances invincibles que lui opposait la chair dépouillée de la grâce. Ainsi la chair affaiblissait l’empire de la loi ; la loi est bien spirituelle, « mais moi je suis charnel[2] ». Comment donc pourrait m’aider cette loi qui se contente de commander au-dehors pour communiquer la grâce au dedans ? « Elle était affaiblie par la chair ». Or en face de cette impuissance de la loi et de cette faiblesse de la chair, qu’a fait Dieu ? « Dieu a envoyé son Fils ». D’où venait à la loi cette faibles et cette impuissance ? De la chair ». Et Dieu ? Dieu opposa la chair à la chair, ou plutôt il envoya la chair au secours de la chair ; et en détruisant le péché de la chair, il a su affranchir la chair même. « Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché ». La chair était réelle, mais ce n’était pas une chair de péché. Que signifie : « Une chair semblable à celle du péché ? » Que c’était réellement une chair, une chair véritable. Et comment ressemblait-elle à la chair de péché ? Comme la mort vient du péché, toute chair de péché est soumise à la mort, ce qui fait dire à l’Apôtre que le corps de péché doit être détruit s. La mort pesant ainsi sur toute chair de péché, on trouve dans toute chair de péché, le péché et la mort, non pas seulement la mort, mais la mort et le péché. Au contraire il n’y a que la mort et non pas le péché, dans la chair qui n’a que la ressemblance de la chair de péché. Car si le péché était dans cette chair, si par conséquent elle méritait la mort qu’elle a endurée, le Sauveur n’aurait pas dit : « Voici venir le prince du monde et il ne trouvera rien en moi [3] ». Pourquoi me fait-il mourir ? Parce que « je paie ce que je ne dois pas[4] ». Ainsi le Seigneur a fait pour la mort ce qu’il a fait pour l’impôt. On lui demandait de payer l’impôt, le didrachme : « Pourquoi, lui disait-on, ni vous ni vos disciples ne payez-vous point le tribut ? » Il appela Pierre. « À qui, lui demanda-t-il, les rois de la terre réclament-ils l’impôt ? Est-ce à leurs fils ou aux étrangers ? – Aux étrangers, répondit Pierre. – Donc, conclut-il, leurs fils en sont exempts. « Afin toutefois de ne pas les scandaliser, va à la mer, jette un hameçon, et le premier poisson qui montera », comme le premier-né d’entre les morts, « prends-le, ouvre-lui la gueule, tu y trouveras un statère », c’est-à-dire deux didrachmes ou quatre drachmes ; on exigeait en effet un didrachme ou deux drachmes par tête. « Tu y trouveras un statère », quatre drachmes : « donne-le pour toi et pour moi [5] ». Que signifie pour toi et pour moi ? » C’est-à-dire pour l’Église dont je suis le chef ou le Christ, que tu représentes et pour qui sont donnés les quatre Évangiles. C’était donc ici un mystère profond : Le Christ payait ce tribut sans y être obligé, c’est ainsi qu’il endura la mort sans la mériter. Ah ! s’il n’eût payé sans devoir, jamais il ne nous eût déchargés de nos dettes.

8. « Ce qui donc était impossible à la loi », puisqu’elle n’occasionnait guère que des prévarications, l’âme n’étant point convaincue encore de son impuissance et n’ayant point recours au Sauveur ; « puisque d’ailleurs elle était affaiblie par la chair, Dieu, envoyant son Fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné par le péché même le péché dans la chair ». Mais pouvait-il, sans péché, condamner le péché par le péché ? Nous vous avons expliqué déjà ce texte[6]. Cependant nous allons réveiller les idées de ceux d’entre vous qui se souviennent de ce que nous avons dit, l’apprendre à ceux qui n’étaient pas ici et le rappeler à ceux qui l’ont oublié. On donnait dans l’ancienne loi le nom de péché au sacrifice offert pour le péché. Ce sens se reproduit constamment : ce n’est pas une ou deux fois, c’est très-fréquemment que les sacrifices pour le péché sont appelés péchés. Or, c’est dans ce sens que le Christ lui-même était péché. Quoi ! dirons-nous qu’il avait quelque péché ? Dieu nous en garde ! Il était sans péché, mais il était péché. Oui, il était péché, en ce sens qu’il était victime pour nos péchés. Voici ce qui le prouve, le voici dans les paroles de l’Apôtre même. « Il ne connaissait

  1. Jer. 31, 31-33
  2. Rom. 6, 6
  3. Jn. 14, 30
  4. Psa. 68, 5
  5. Mat. 17, 23-27
  6. Voir serm. 134, n. 4-6 : serm. CLII, n. 10, 11