Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/153

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en évidence la récompense des justes et le châtiment des pécheurs. Jusqu’à ce jour, en effet, l’impie est loin de rougir et de cesser de nous insulter. Souvent même ses moqueries en viennent jusqu’à faire rougir de Jésus-Christ les hommes faibles dans la foi. De là cette menace : « Quiconque aura rougi de moi devant les hommes, je rougirai de lui devant mon Père[1] ». Quiconque dès lors veut suivre les sublimes conseils de l’Évangile, de partager son bien, de le donner aux pauvres, afin de demeurer juste pour l’éternité[2], de vendre ses possessions terrestres pour assister les indigents et suivre le Christ en disant : « Nous n’avons rien apporté en ce monde, nous n’en pouvons rien emporter : contentons-nous d’avoir de quoi vivre et nous vêtir[3] » ; celui-là tombe sous les railleries sacrilèges des impies ; ceux qui repoussent le sens droit le traitent d’insensé. Souvent, pour éviter ce surnom de la part des incurables, il craint de faire, il remet au lendemain ce que prescrit le médecin le plus fidèle comme le plus puissant. Ceux-là donc ne peuvent rougir en cette vie ; souhaitons au contraire qu’ils n’aient pas la puissance de nous faire rougir, de nous détourner du chemin que nous avons pris, de ne point nous y causer d’embarras ou de retard. Mais un temps viendra qu’ils rougiront et répéteront ces paroles de l’Écriture « Les voilà, ceux qui étaient l’objet de nos mépris et même de nos outrages. Insensés que nous étions, nous estimions leur vie une folie, et leur fin un opprobre : et les voilà comptés parmi les fils de Dieu, et leur partage est avec les saints ! Nous avons donc erré hors de la vérité, et la lumière de la justice n’a pas lui à nos yeux, et le soleil ne s’est pas levé pour nous. Nous nous sommes lassés dans la voie de l’iniquité et de la perdition ; nous avons marché par des chemins « difficiles, et nous avons ignoré la voie du Seigneur. À quoi bon noire orgueil, à quoi bon l’ostentation de nos richesses ? Toutes ces choses ont passé comme l’ombre[4] ».

13. Dans ces paroles : « Qu’ils se convertissent pour leur confusion[5] », qui ne voit un juste châtiment qui tourne à leur confusion dans cette conversion qu’ils ont refusé de faire pour leur salut ? « Et cela bien vite », ajoute le Prophète : car ils ne compteront plus sur le jour du jugement, et comme ils diront : « La paix est à nous ; une ruine soudaine les surprendra[6] ». Quel que soit le moment, ce que l’on n’attendait pas arrive toujours bien vite, et il n’y a que l’espérance de vivre encore qui nous fasse croire que cette vie est longue. Rien ne nous paraît plus rapide que ce qui en est déjà passé. Quand donc viendra le jour du jugement, alors les pécheurs sentiront combien est courte une vie qui passe ; et ils ne pourront croire qu’il ait été long à venir, ce jour qu’ils ne désiraient point, ou plutôt à l’arrivée duquel ils n’avaient point cru. On pourrait dire encore que l’âme dont Dieu a exaucé les gémissements et les pleurs si fréquents et si durables, sentant qu’elle est délivrée du péché, et qu’elle a dompté tous les mouvements pervers des sensuelles affections, en leur disant : « Retirez-vous de moi, artisans d’iniquité, parce que le Seigneur a exaucé la voix de mes larmes[7] », se trouve arrivée à cet état de perfection, où elle peut prier pour ses ennemis. C’est dans ce sens peut-être qu’il est dit : « Que tous mes ennemis soient dans la confusion et dans le trouble », afin qu’ils fassent pénitence de leurs fautes, ce qui est impossible sans trouble ni confusion. Rien n’empêche d’entendre les paroles suivantes : « Qu’ils se convertissent pour leur confusion », dans le sens d’un retour à Dieu et d’une confusion de s’être jadis glorifiés dans les ténèbres du péché, comme l’a dit l’Apôtre : « Quelle gloire avez-vous tirée de ce qui est maintenant pour vous un sujet de honte[8] ? » Cette autre expression, « et cela au plus vite », peut désigner la ferveur du désir ou se rapporter à la puissance du Christ qui, dans un temps si court, a converti à la foi de l’Évangile, ces nations qui défendaient leurs idoles en persécutant l’Église.

  1. Luc. 9,26
  2. Psa. 111,9
  3. 1Ti. 6,7
  4. Sag. 5,3-9
  5. Psa. 6,11
  6. 1Th. 5,3
  7. Psa. 6,9
  8. Rom. 6,21