Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/492

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leurs fondateurs que jalouses de votre gloire. Que l’on me montre, à Rome, en l’honneur de Romulus, un temple qui rivalise avec l’église bâtie en l’honneur de saint Pierre. Mais en Pierre qui est-ce que l’on honore, sinon celui qui est mort pour nous ? Car nous portons le nom du Christ et non celui de Pierre. Et si nous sommes nés du frère du défunt, nous avons cependant le nom du défunt ; nous sommes nés par l’un, mais nés pour l’autre. Voilà Rome, voilà Carthage, voilà tant d’autres villes qui sont filles de rois ; elles ont fait les délices et la gloire de leur roi, et dans leur ensemble elles forment en quelque sorte une seule et même reine.
24. Mais quel épithalame, mes frères ? Voilà que, dans ces cantiques pleins d’allégresse, l’Épouse elle-même s’avance. L’Époux était venu d’abord, sa beauté nous a été décrite, et nos yeux l’ont contemplée : que l’Épouse vienne à son tour. « La reine s’est tenue debout à votre droite »[1]. Celle qui est à gauche n’est pas la reine. Il y en aura une en effet à la gauche et à qui l’on dira : « Allez au feu éternel ». Mais à celle de droite, on dira : « Venez, bénis de mon Père, et recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde »[2]. « La reine s’est tenue à votre droite : son vêtement était d’or, nuancé ce de diverses broderies ». Quel est le vêtement de cette reine ? Il est précieux, il est nuancé, ce qui figure la doctrine du Christ prêchée dans tous les divers idiomes. Autre est l’idiome africain, autre le syrien, autre le grec, autre l’hébreu, autre tel ou tel : et tous ces idiomes forment à la reine les nuances de son vêtement. De même que ces nuances dans leur variété ne forment qu’une seule et même robe, de même toutes les langues ne prêchent qu’une même foi. Que la robe ait ses nuances, mais aucune déchirure. Nous voyons donc dans les nuances la diversité des langues, et dans le vêtement l’unité ; mais dans ces nuances que désigne l’or ? la sagesse elle-même. Quelle que soit la diversité des langues, on ne prêche que l’or. La variété n’est point dans l’or, mais sur l’or. Car c’est la même sagesse, la même doctrine, la même règle de vie, qu’on prêche en toutes langues. La variété est donc dans le langage, mais l’or dans les pensées.
25. Le Prophète s’adresse donc à cette reine ; il chante avec joie son épithalame ; il chante chacun de nous, si toutefois nous savons où nous sommes, et si nous nous efforçons d’appartenir à ce corps, et de demeurer unis par la foi et l’espérance aux membres du Christ, C’est donc à nous qu’il s’adresse. « Écoutez, ô ma fille, et voyez ». Le Prophète lui parle comme un de ses aïeux, parce que toute âme chrétienne est fille de rois ; que ce soit un prophète qui parle ou un apôtre, c’est toujours comme à sa fille ; c’est ainsi que nous appelons les Prophètes nos pères, les Apôtres nos pères ; si nous voyons en eux des pères, assurément ils voient en nous des fils : et c’est une seule voix paternelle qui s’adresse à une fille unique : « Écoute et vois, ô ma fille ». D’abord écoute, et vois ensuite. On est venu jusqu’à nous avec l’Évangile, on nous a prêché ce que nous ne voyons pas encore, et en l’écoutant nous avons cru, et en croyant nous verrons, comme le dit le même Époux par la bouche du Prophète : « Le peuple que je ne connaissais pas m’a servi, il m’a obéi dès qu’il m’a entendu »[3]. Qu’est-ce à dire : « Dès qu’il m’a entendu ? » c’est-à-dire, sans m’avoir vu. Les Juifs l’ont vu et l’ont crucifié ; les Gentils ne l’ont point vu et ont cru en lui. Que la reine vienne donc du pays des Gentils, qu’elle vienne avec son vêtement d’or nuancé de broderies ; qu’elle vienne du pays des Gentils, avec son cortège de toutes les langues, dans l’unité de la sagesse, et qu’on lui dise : « Écoute ma fille, et vois ». Tu ne verras que si tu écoutes. Écoute afin de purifier ton cœur par la foi, comme le dit l’Apôtre dans les Actes : « C’est par la foi qu’il a purifié leurs cœurs »[4]. Nous écoutons donc ce que nous devons croire avant de le voir, afin de purifier ainsi notre cœur et de mériter la vision. Écoute alors, afin de croire, et purifie ton cœur par la foi. Et que verrai-je quand mon cœur sera pur ? « Bienheureux ceux dont le cœur est pur, parce qu’ils verront Dieu[5]. Ecoute, ô ma fille, et vois ; incline ton oreille ». C’est peu d’écouter, écoute humblement : « Incline ton oreille. Oublie ton peuple et la maison de ton père »[6]. Il y avait un certain peuple, une certaine maison de ton père, c’est là, c’est dans ce peuple que tu es née, à Babylone, dans cette ville qui a le diable pour roi. De quelque point de la terre que soient venues les nations, elles étaient sous la domination du

  1. Ps. 44,10
  2. Mt. 25,34-41
  3. Ps. 17,45
  4. Act. 15,9
  5. Mt. 5,8
  6. Ps. 44,11