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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/157

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fut l’ennemi de son frère, parce que ce frère qui était le plus jeune lui ravit la bénédiction paternelle, et qu’ainsi s’accomplit cet oracle : « L’aîné servira le plus jeune[1] ». Or, nous commençons à comprendre quel est l’aîné, quel est le plus jeune, et quel est cet aîné assujetti au plus jeune. Le peuple juif paraissait l’aîné, et le peuple chrétien le plus jeune selon le temps. Et voyez comme l’aîné est assujetti au plus jeune. Ils sont les colporteurs de nos livres, car c’est de leurs livres que nous vient la vie. Mais pour donner à ces qualifications d’aîné et de plus jeune tin sens plus général, l’aîné, c’est l’homme charnel, et le plus jeune, l’homme spirituel ; car l’homme charnel est le premier, l’homme spirituel vient ensuite. C’est l’Apôtre qui nous le dit clairement : « Le premier homme est l’homme terrestre formé de la terre ; le second est l’homme céleste qui vient du ciel : comme le premier est terrestre, ses enfants sont terrestres, et comme le second est céleste, ses enfants sont célestes. Comme donc nous avons porté l’image de l’homme e terrestre, portons aussi l’image de l’homme céleste ». Un peu auparavant havait dit : « Ce n’est point le corps spirituel qui a été formé le premier ; c’est le corps animal, et ensuite le spirituel[2] ». L’expression « animal » a le même sens que charnel. À sa naissance l’homme est d’abord animal, homme charnel. S’il sort de la captivité de Babylone, pour retourner à Jérusalem, il est renouvelé, il se fait en lui une régénération selon l’homme nouveau et intérieur ; il est le plus jeune par le temps, et l’aîné par la puissance. Esaü est donc le type de tous les hommes charnels, et Jacob le type de tous les hommes spirituels ; ces derniers sont élus, les premiers sont réprouvés. L’aîné veut-il être élu ? qu’il devienne le plus jeune. Il est appelé Edom, à cause de ce mets de lentilles qui est roux, c’est-à-dire, qui a une couleur rougeâtre. Ces lentilles étaient cuites et préparées, Esaü les demanda à Jacob son frère, il poussa l’envie de manger ces lentilles jusqu’à céder son droit d’aînesse, dignité que son frère acquit en échange du mets si convoité ; et, par cette convention, l’un devenant le plus jeune l’autre l’aîné, cet aîné fut assujetti au plus jeune, et fut surnommé Edom[3]. Or, selon le témoignage des hommes instruits dans cette langue, Edom veut dire sang, signification qu’il a aussi dans notre langue punique. Ne vous en étonnez point, c’est au sang qu’appartiennent toutes les personnes charnelles. « Or, ni la chair ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu[4] ». Edom n’a aucune part à ce royaume, tandis qu’il est le partage de Jacob, qui se priva d’un mets charnel, pour un honneur spirituel. Mais il eut pour ennemi Esaü, car tous les hommes charnels sont ennemis des hommes spirituels : quiconque ne recherche que le présent, persécute ceux qu’il voit occupés des biens éternels. Or, que dit contre ces hommes le Prophète qui ne perd point de vue Jérusalem, et qui demande à Dieu d’être délivré de sa captivité ? « Souvenez-vous, Seigneur, des fils d’Edom ». Délivrez-nous des hommes charnels, qui suivent cet Edom, qui sont nos frères aînés, mais qui sont aussi nos ennemis. Ils sont nés les premiers, mais ceux qui sont nés ensuite les ont devancés ; car la convoitise charnelle a humilié les uns, et le mépris de cette convoitise élève les autres. Ils vivent, mais pour nous porter envie et nous persécuter.
19. « Souvenez-vous, Seigneur, des enfants d’Edom au jour de Jérusalem ». Ce jour de Jérusalem est-il bien le jour de la douleur, le jour de la captivité pour Jérusalem, ou le jour de son bonheur, le jour de sa délivrance, le terme de sa course qui sera l’éternité ? « Seigneur », dit le Prophète, « n’oubliez pas les enfants d’Edom ». Desquels ? « De ceux qui disent : Détruisez, détruisez Jérusalem jusqu’en ses fondements ». Donc, souvenez-vous du jour où ils voulaient détruire Jérusalem. Combien de persécutions l’Église n’a-t-elle pas endurées ? Avec quelle fureur les fils d’Edom, ou les hommes charnels, soumis au diable et à ses anges, qui adorent les pierres et le bois, qui obéissent aux convoitises de la chair, avec quelle fureur ne criaient-ils point Mort aux chrétiens, mort aux chrétiens : que pas un seul n’échappe détruisez jusqu’aux fondements ? N’est-ce point là leur cri ? Et, dans ce langage atroce, les persécuteurs n’ont-ils pas été rejetés de Dieu, et les martyrs couronnés ? « Détruisez », disent-ils, « détruisez jusqu’aux fondements ». Ainsi disent les enfants d’Edom : « Détruisez, détruisez »,

  1. Rom. 9,13 ; Gen. 25,23
  2. 1 Cor. 15,46-49
  3. Gen. 25,29-31 ; 27,36-87
  4. 1 Cor. 15,50