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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/219

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mais en la mienne. Le Christ, en effet, souffre non pas en sa chair, puisque c’est en elle qu’il est monté au ciel, mais en ma chair qui souffre encore sur la terre. C’est en ma chair que Jésus-Christ souffre : « Je vis, non pas moi, mais c’est le Christ qui vit en moi[1] ». Et si le Christ ne souffrait point dans ses membres, c’est-à-dire dans les fidèles, Saul ne persécuterait point sur la terre le Christ qui est assis dans les cieux. Enfin, dans un endroit de ses Épîtres il nous dit clairement : « Et comme notre corps, qui est un, est néanmoins composé de plusieurs membres, et que tous ces membres, quoique nombreux, ne sont néanmoins qu’un seul corps ; ainsi en est-il du Christ[2] ». Il ne dit point : Ainsi en est-il du Christ et de son corps ; mais bien : « Le corps est un avec plusieurs membres ; de même en est-il du Christ ». Tout donc n’est qu’un seul Christ. Et comme tout ne forme qu’un seul Christ, la tête s’écriait du haut du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter[3] ? » Retenez bien cela, mes frères, et qu’il demeure dans votre mémoire, puisque vous êtes les enfants instruits de la doctrine et de la foi catholique. Reconnaissez dans Jésus-Christ ta tête et le corps, et dans ce même Christ le Verbe de Dieu, unique et égal au Père. Voyez de là par quelle admirable grâce vous touchez à Dieu, au point qu’il a voulu être un avec nous, lui qui est un avec son Père. Comment un avec son Père ? « Mon Père et moi sommes un[4] ». Comment un avec nous ? « L’Écriture ne dit point : Et ceux qui naîtront », comme pour en marquer plusieurs ; mais elle dit, comme parlant d’un seul : « Celui qui naîtra de vous et qui est le Christ ». Mais, dira-t-on, si le Christ est de la race d’Abraham, en sommes-nous ? Souvenez-vous que le Christ est la race d’Abraham, et que dès lors si nous sommes la race d’Abraham, nous sommes aussi le Christ. Or, « le corps dans son unité a néanmoins plusieurs membres, il en est de même du Christ. Et vous tous qui êtes baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ». Toutefois le Christ est la race d’Abraham, et l’on ne saurait contredire les paroles si claires de l’Apôtre : « Et dans ta race, qui est le Christ »[5]. Voyez encore ce qu’il nous dit : « Si donc vous êtes au Christ, vous êtes de la race d’Abraham[6] ». De là ce grand sacrement « Ils seront deux dans une même chair »[7]. L’Apôtre l’a dit : « Ce sacrement est grand, je l’entends de Jésus-Christ et de l’Église[8] ». Le Christ et l’Église sont deux dans une seule chair. Deux à cause de la distance qui nous sépare de la majesté divine, deux certainement ; car nous ne sommes point le Verbe, puisque nous n’étions au commencement ni Dieu, ni en Dieu ; nous ne sommes point celui par qui tout a été fait[9]. Mais au point de vue de la chair, on trouve le Christ, et l’on nous trouve avec lui. Ne nous étonnons donc plus du langage des psaumes ; le Prophète parle souvent au nom du chef, et souvent au nom des membres, et il en parle comme s’ils n’étaient qu’une même personne ; et il n’est pas étonnant que deux dans une même chair n’aient qu’une même voix.
4. Judas, fils de l’Époux, persécutait donc l’Époux. C’est ce q ni est arrivé ; mais n’y avait-il point là une figure de l’avenir ? L’Église, en effet, devait avoir bien des faux frères, et maintenant encore le fils de l’Époux persécute l’Époux, et le persécutera jusqu’à la fin. « Qu’un ennemi m’ait outragé, je l’aurais supporté », dit-il ailleurs, « et si celui qui me hait s’élevait contre moi, je me déroberais à ses poursuites[10] ». Quel est l’ennemi ? Quel est celui qui me hait ? Celui-là même qui dit : Qui est le Christ ? Le Christ est un homme qui n’a pu vivre quand il voulait vivre : il est mort malgré lui, disent-ils, mort convaincu, mort sur une croix, mort d’après une sentence. Voilà ce que disent les ennemis. Celui-là, dit le Christ, est un ennemi déclaré, il me hait, il me fait ouvertement la guerre : on peut facilement le, supporter ou l’éviter. Mais que faire avec Absalon ? Que faire avec Judas?que faire avec de faux frères ? que faire avec de mauvais fils, mais fils néanmoins, qui ne se soulèvent point contre nous pour blasphémer le Christ, mais qui adorent le Christ avec nous, et qui persécutent le Christ en nous ? C’est d’eux que le même psaume nous dit ensuite qu’il eût été facile de tolérer un ennemi déclaré, ou de se dérober à ses embûches. C’est, en effet, se dérober au païen que d’entrer dans l’Église. Mais quand c’est dans l’Église que l’on trouve ce que l’on redoutait ailleurs, où chercher un refuge ? Aussi le même Apôtre, qui gémit des

  1. Gal. 2,20
  2. 1 Cor. 12,12
  3. Act. 9,4
  4. Jn. 10,30
  5. Gal. 3,16
  6. Gal. 3,16.27-29
  7. Gen. 2,24
  8. Eph. 5,32
  9. Jn. 1,1-3
  10. Ps. 54,13