Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/218

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aussi longtemps à chaque parole, de peur que Dieu ne nous permette point de l’achever.
2. Voici le titre du psaume. « Pour David, quand son fils le poursuivait[1] ». Or, le livre des Rois nous apprend que cela s’est fait, qu’Absalon se déclara l’ennemi de son père[2], qu’il souleva contre lui non seulement une guerre civile, mais une guerre domestique. Quant à David, loin de succomber sous le poids de cette injustice, il s’humilia profondément, accepta ce châtiment de Dieu, supporta ce remède amer, sans rendre injustice pour injustice, mais avec un cœur toujours prêt à suivre la volonté de Dieu. Ce David fut donc louable. Mais il nous faut reconnaître un autre David, qui eut vraiment la main puissante, comme l’exprime ce mot David, et qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ces faits anciens étaient des figures de l’avenir ; et je ne veux point m’arrêter à vous expliquer ce que vous avez entendu sauvent, et fort bien retenu. Cherchons donc dans ce psaume notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qui s’annonce lui-même dans cette prophétie, et nous prêche dans les faits passés ce qui doit arriver de nos jours. Car c’est lui-même qui s’annonçait par les Prophètes, puisqu’il est le Verbe de Dieu, et que les Prophètes ne parlaient que pleins de ce Verbe divin. Ils étaient donc pleins du Christ pour annoncer le Christ ; ils marchaient devant leur prince qui devait venir après eux et n’abandonnaient pas ceux qui le précédaient. Reconnaissons donc comment le Christ était poursuivi par son fils ; car il avait des fils, dont il est dit : « Les fils de l’Époux ne jeûnent point tandis que l’Époux est avec eux ; mais quand l’Époux leur sera enlevé, ils jeûneront[3] ». Donc les fils de l’Époux sont les Apôtres, et parmi eux Judas le persécuteur, qui fut un démon. C’est donc sa passion que le Christ va nous annoncer dans ce psaume. Écoutons.
3. J’appelle aussi votre attention sur ce point, mes frères, non pour vous apprendre ce que vous ignorez, mais pour vous rappeler ce que vous savez déjà, c’est que notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est la tête de son corps c’est que l’unique médiateur de Dieu et des hommes, c’est Jésus-Christ homme[4], né de la Vierge, comme dans une solitude, ainsi que nous l’apprenons de l’Apocalypse. Et par cette solitude, nous devons entendre, je crois, que seul il est né de la sorte. Cette femme a enfanté celui qui doit conduire les hommes avec une verge de fer[5] ; et cette femme est la cité de Dieu dont il est dit dans un psaume : « O cité de Dieu, on dit de vous des choses merveilleuses[6] » ; cette cité qui eut son commencement en Abel, comme la cité du mal en Caïn[7], l’antique cité de Dieu, toujours tourmentée sur la terre, espérant le ciel, et dont le nom est Jérusalem et Sion. C’est assurément d’un homme né en Sion, et fondateur de Sion, qu’un psaume nous a dit : « Un homme dira : Sion est ma mère ». Quel est cet homme ? « Un homme qui a été fait en elle, et c’est le Très-haut qui l’a fondée[8] ». C’est donc en Sion qu’il a été fait homme, mais homme humble, et lui-même qui est le Très-Haut a fondé cette cité en laquelle il a été fait homme. C’est pourquoi celte femme était revêtue du soleil[9], et du soleil de justice lui-même, que les impies ne connaissent point, eux qui diront au dernier jour : « Nous avons donc erré hors de la voie de la vérité, et la lumière de la justice n’a pas lui à nos yeux, le soleil ne s’est point levé pour nous[10] ». Il est donc un soleil de justice qui ne se lève point pour les impies. Du reste, il fait lever ce soleil sur les bons et sur les méchants[11]. Cette femme était donc revêtue du soleil, et portait dans ses entrailles un fou qu’elle devait enfanter. Le même était donc fondateur en Sion, et naissait en Sion ; et cette femme, cité de Dieu, était protégée par la lumière de celui qu’elle portait dans ses entrailles. C’est avec raison dès lors que la lune était sous ses pieds, parce que dans sa force elle foulait aux pieds la mortalité de cette chair qui croît et décroît. Donc notre Seigneur Jésus-Christ est tout à la fois la tête et le corps. Lui qui a voulu mourir pour nous a daigné parler en notre nom et faire du nous ses membres. Aussi parla-t-il quelquefois au nom de ses membres, et quelquefois en son propre nom, comme chef. Il peut parler en dehors de nous, et nous jamais sans lui. L’Apôtre a dit : « Afin de suppléer en sa chair aux douleurs du Christ[12] ». Ce qui manque, non pas à mes douleurs, mais aux douleurs du Christ, non plus en la chair du Christ,

  1. Ps. 142,1
  2. 2 Sa. 15,14 ss
  3. Mt. 9,15
  4. 1 Tim. 2,5
  5. Apoc. 12,5-6
  6. Ps. 86,3
  7. Gen. 4,8-17
  8. Ps. 86,5
  9. Apoc. 12,1
  10. Sag. 5,6
  11. Mt. 5,45
  12. Col. 1,21