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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/448

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lieu où il le faut adorer est Jérusalem. Jésus lui dit : Femme, crois-moi. » Voici venir l’Église, comme il est écrit au Cantique des Cantiques. « Elle viendra, et elle s’avancera du commencement de la foi[1] ». Elle viendra pour s’avancer, et elle ne le peut que « par le commencement de la foi ». Maintenant que le mari est présent, c’est avec justice qu’il lui dit : « Femme, crois-moi ». À cette heure il y a en toi ce qui peut croire, puisque ton mari est présent. Ton intelligence a commencé à manifester sa présence, lorsque tu m’as donné le nom de Prophète. « Femme, « crois-moi » ; car si vous ne croyez pas, vous serez incapables de comprendre[2]. Donc, « Femme, crois-moi, parce que viendra l’heure où vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous adorerez ce que vous ne comprenez point ; pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, parce que le salut vient des Juifs ; mais viendra l’heure ». Quand ? « Et la voici maintenant ». Quelle est cette heure ? « Cette heure où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » non pas sur cette montagne, non pas dans le temple, mais en esprit et en vérité ; « car le Père demande de semblables adorateurs ». Pourquoi le Père demande-t-il de pareils adorateurs, non sur cette montagne ou dans le temple, mais en esprit et en vérité ? « Dieu est Esprit ». Si Dieu était corps, il faudrait adorer Dieu sur cette montagne qui est matérielle, ou dans le temple qui est un être corporel. « Dieu est Esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils le doivent adorer ».
25. Nous l’avons entendu, et rien n’est plus manifeste ; nous étions allés au-dehors, et nous avons été renvoyés à l’intérieur. Oh, se dira quelqu’un, si je trouvais quelque montagne élavée et solitaire ! car je crois que Dieu habite les endroits élevés, et qu’il m’entend mieux du faîte de ces hauteurs. Pour être sur une montagne, tu te crois proche de Dieu ; tu te considères comme plus à portée d’être entendu de lui, vu que tu t’adresses à lui de plus près. À la vérité, il habite les hauteurs, « mais il regarde les humbles. Dieu est proche ». De qui ? Peut-être de ceux qui sont élevés ? « De ceux qui ont brisé leur cœur[3] ». Chose merveilleuse ! Il habite les hauteurs, et il est proche des humbles. « Ce qui est humble, il le regarde ; ce qui est élevé, il ne le connaît que de loin [4] ». Les orgueilleux, il les voit de loin, et ils lui sont d’autant moins proches qu’ils se jugent plus élevés. Tu cherchais donc une montagne ? Descends pour y parvenir. Mais veux-tu monter ? Monte, mais sans chercher une montagne. « Il a placé dans son cœur les degrés par lesquels il s’élève » (ainsi s’exprime le Psalmiste) « au travers de cette vallée de larmes[5] ». Toute vallée est basse, c’est dans ton cœur que tout doit se passer. Que s’il te faut quelque lieu élevé, quelque lieu saint, fais de toi-même et intérieurement un temple au Seigneur. Car le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple[6]. Veux-tu prier dans un temple ? Prie en toi-même ; mais auparavant, sois le temple de Dieu ; car c’est dans son temple qu’il écoute ceux qui le prient.
26. « Vient donc l’heure, et elle est déjà venue, où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons ; vous autres, vous adorez ce que vous ignorez ; car le salut vient des Juifs ». Ces paroles donnent beaucoup aux Juifs ; mais garde-toi de considérer ces Juifs comme réprouvés ; considère-les, au contraire, comme étant ce mur auquel est venu, s’en réunir un autre, afin que tous deux fussent fortifiés et réunis par la pierre angulaire qui est le Christ. Le premier mur est formé des Juifs ; le second des Gentils ; et tous deux sont éloignés l’un de l’autre jusqu’à l’endroit où ils se réunissent ensemble par le moyen de la pierre de l’angle. Les Gentils étaient hors de l’alliance et étrangers aux promesses de Dieu[7]. C’est pourquoi il est dit : « Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons », ce qu’il faut entendre des Juifs, non pas de tous les Juifs, non pas des Juifs réprouvés, mais des Juifs tels que furent les Apôtres, les Prophètes et tous les saints qui vendirent tous leurs biens et en déposèrent le prix aux pieds des Apôtres[8]. Car Dieu n’a pas repoussé le peuple qu’il s’est prédestiné[9].
27. Cette femme l’entend, et elle ajoute. Faites attention à sa réponse. Déjà elle l’avait appelé Prophète ; mais voyant que celui avec qui elle parlait disait

  1. Cant. 4, 8, suiv. les Septante
  2. Isa. 7, 9, suiv. les Septante
  3. Ps. 33, 19
  4. Ps. 137, 6
  5. Id. 83, 6, 7
  6. 1 Cor. 3, 17
  7. Eph. 2, 12-22
  8. Act. 4, 31, 35
  9. Rom. 11, 2