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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/457

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en bien convaincu : un ange venait d’habitude la remuer, et son action n’était pas sans indiquer l’existence d’un grand mystère. Immédiatement après qu’il avait ainsi remué l’eau de la piscine, l’un des malades, celui qui le pouvait, y descendait, et il était seul à obtenir sa guérison : après lui, quiconque s’y plongeait le faisait sans résultat. Qu’est-ce que cela signifie ? Que le Christ est venu vers le peuple juif, et qu’en opérant des prodiges, en enseignant une doctrine précieuse, il a pu seul troubler les pécheurs, remuer l’eau par le fait de sa présence, et agiter les Juifs au point qu’ils le firent mourir. Mais quand il agissait ainsi, on ne le connaissait point ; car si les Israélites avaient connu le Roi de gloire, ils ne l’auraient jamais crucifié [1]. Descendre dans l’eau, après qu’elle a été agitée, c’est donc croire humblement à la passion du Sauveur. Un seul malade était guéri dans l’eau de la piscine : c’était l’emblème de l’unité de l’Église : quiconque y descendait ensuite, n’obtenait pas sa guérison, car, en dehors de l’unité, il est impossible d’obtenir la rémission de ses fautes.

4. Voyons donc ce que le Christ a voulu nous faire entendre par ce paralytique ; car le Sauveur, comme je l’ai dit en commençant, a respecté, lui aussi, ce que le nombre un a de mystérieux, et, de tous les malades rangés autour de la piscine, il n’a daigné guérir que celui-là. Dans l’âge de cet homme il a trouvé un nombre d’années qui indique une maladie : « Il était malade depuis trente-huit ans ». Comment ce nombre d’années indiquait-il plutôt la maladie que la santé ? C’est ce que nous allons expliquer avec un soin plus particulier. Je désire que vous me prêtiez toute votre attention : le Seigneur nous aidera, moi, à vous parler convenablement, et vous, à me bien comprendre. Le nombre quarante nous est signalé comme un nombre sacré, parce qu’en un sens, il est parfait. Votre charité, je le suppose, n’en ignore pas ; et les divines Écritures l’attestent en maints endroits. Vous le savez, le jeûne tire sa consécration de ce nombre de jours. En effet, Moïse a jeûné quarante jours[2] ; Élie a fait de même[3] ; et notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a aussi jeûné le même espace de temps[4]. Moïse représentait la loi, Élie les Prophètes, et Jésus-Christ l’Évangile : c’est pourquoi ils apparurent tous les trois sur la montagne où le Sauveur se manifesta à ses disciples avec un visage et des vêtements tout radieux. Dans cette apparition, Jésus se trouvait entre Moïse et Élie[5], comme si l’Évangile tirait sa force du témoignage de la loi et des Prophètes [6]. Qu’il s’agisse donc de la loi, des Prophètes ou de l’Évangile, le nombre quarante nous est signalé comme consacré au jeûne. Considéré dans son sens large, et pris en général, le jeûne consiste à s’abstenir de tout péché et de toutes les iniquités du siècle ; oui, voilà le véritable jeûne : « C’est renoncer à l’impiété, aux désirs du siècle, et vivre dans le siècle avec tempérance, avec justice et avec piété ». Quelle est la récompense réservée à cette sorte de jeûne ? L’Apôtre nous le dit, car il ajoute ces paroles : « Attendant la félicité que nous espérons, et l’avènement glorieux du grand Dieu, de notre Sauveur, Jésus-Christ[7] ». Dans le cours de cette vie, nous observons, en quelque sorte, l’abstinence du carême, lorsque nous nous conduisons bien et que nous nous abstenons du péché et des plaisirs défendus. Mais parce que cette abstinence ne manquera pas d’être récompensée, « nous attendons la félicité que nous espérons, et l’avènement glorieux du grand Dieu, de notre Sauveur, Jésus-Christ ». Quand notre espérance aura fait place à la possession de la réalité, nous recevrons le denier qui doit constituer notre récompense. D’après l’Évangile, vous vous en souvenez, je crois, la même rémunération est accordée à tous ceux qui travaillent dans la vigne du père de famille : il est inutile de vous rappeler tout cela, comme si vous étiez des personnes ignorantes et grossières. Le denier donné aux ouvriers tire son nom du nombre dix, lequel, ajouté à quarante, forme celui de cinquante ; voilà pourquoi l’observation de la Quadragésime exige de nous, avant Pâques, de pénibles sacrifices ; mais après Pâques, il semble que nous devions recevoir notre récompense, car nous célébrons la Quinquagésime dans les transports de la joie. Au travail salutaire des bonnes œuvres, qui a trait au nombre quarante, viendra s’ajouter le denier du repos et du bonheur, qui parfera le nombre cinquante.

5. Tout cela, le Seigneur Jésus a voulu

  1. 1Co. 2, 8
  2. Exo. 34, 28
  3. 1Ro. 19, 8
  4. Mat. 4, 2
  5. Mat. 17, 1-3
  6. Rom. 3,21
  7. Tit. 2, 12-13