Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/591

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d’opposer aux armes du démon les armes du Christ ; ils ont dû employer toutes leurs forces pour lutter et combattre le plus ouvertement possible les faux docteurs, les amis du mensonge qui attaquaient la divinité de Jésus en élevant la voix, ils ont empêché les autres de périr. Il en est qui ont cru que Notre-Seigneur était d’une substance différente de celle du Père ; d’autres ont vu en lui un Christ, Père, Fils et Saint-Esprit tout ensemble : selon ceux-ci, il n’était qu’un homme, il n’était pas un Dieu fait homme ; suivant ceux-là, il était Dieu, sans jouir de l’immuabilité de la nature divine ; pour d’autres encore, il était Dieu, mais n’avait rien de l’homme ; en définitive, tous ont fait naufrage dans la foi, et se sont vus rejetés loin du port de l’Église ; par là on les a empêchés de nuire, par leurs mouvements saccadés, à la conservation des navires placés à côté d’eux. Nous sommes bien petits, et en ce qui nous concerne, bien indignes ; néanmoins, par un effet de sa miséricorde, nous avons pris place au milieu des dispensateurs de sa parole ; aussi, est-ce même pour nous une rigoureuse obligation de rompre le silence devant vous : si vous me comprenez, vous vous réjouirez avec moi ; et, si vous ne pouvez encore saisir la portée de rues paroles, vous croirez, et votre foi vous fera demeurer en sûreté dans le port.
7. Je parlerai donc : m’entende qui pourra, et croie qui ne pourra pas me suivre. Quoi qu’il en soit, je répéterai les paroles du Sauveur : « Vous jugez selon la chair ; moi, je ne juge personne », maintenant, ou selon la chair ; « mais si je juge, mon jugement est véritable ». Pourquoi votre jugement est-il véritable ? « Parce que », dit-il, « je ne suis pas seul, et qu’avec moi est mon Père, qui m’a envoyé ». Eh quoi, Seigneur Jésus ! votre jugement serait-il faux, si vous étiez seul ? Et jugez-vous selon la vérité, parce que vous n’êtes pas seul, et qu’avec vous se trouve le Père qui vous a envoyé ? Que répondrai-je ? Il va répondre lui-même : « Mon jugement », dit-il, « est véritable ». Pourquoi ? « Parce que je ne suis pas seul, et qu’avec moi est le Père qui m’a envoyé ». S’il est avec vous, comment vous a-t-il envoyé ? Il vous a envoyé et il est avec vous ? Quoique envoyé par lui, ne vous en seriez-vous point éloigné ? En venant habiter parmi nous, seriez-vous resté avec lui ? Comment le croire ? Comment le comprendre ? À cela, je réponds deux choses. Tu parles juste en disant : Comment le comprendre ; et, en disant : Comment le croire ? tu t’exprimes mal. Il est certain que si on ne saisit pas immédiatement une vérité, c’est alors qu’on la croit parfaitement ; dès lors, au contraire, qu’on la comprendrait, on n’aurait pas besoin de la croire, puisqu’on en aurait la claire vue. Tu crois une chose, parce que tu n’en as pas l’intelligence ; mais, par la foi, tu deviens capable de la comprendre. Si tu ne la crois pas, jamais tu ne la saisiras ton incapacité à le faire sera toujours plus grande. Puisse donc la foi te purifier, afin que tu sois rempli d’intelligence ! « Mon jugement est véritable », dit le Sauveur, « parce que je ne suis pas seul, et qu’avec moi est le Père qui m’a envoyé ». Aussi, Seigneur Jésus, notre Dieu, votre mission n’est-elle autre chose que votre incarnation. Voilà ce que je vois, voilà ce que je comprends ; enfin, voilà ce que je crois, et je parle ainsi dans la crainte de faire preuve d’orgueil en disant : Voilà ce que je comprends. Oui, Notre-Seigneur Jésus-Christ était ici-bas ; il y était selon la chair, il y est encore en tant que Dieu, et, en unième temps, il était avec le Père et ne s’en était pas séparé. En disant qu’il a été envoyé vers nous et qu’il y est venu, on fait allusion à son incarnation, puisque le Père ne s’est pas incarné.
8. On a donné le nom de Sabelliens, et aussi celui de Patripassiens, à des hérétiques qui prétendent que le Père a souffert. Qu’il n’en soit pas ainsi de toi, ô catholique, car tu n’aurais pas l’intégrité de la foi, si tu étais patripassien. Comprends-le donc : par la mission du Fils on entend son incarnation ; tu ne dois croire du Père, ni qu’il se soit incarné, ni qu’il se soit séparé de son Fils fait homme. Le Fils était revêtu d’un corps, et le Père était avec le Fils. Si le Père était dans le ciel, et le Fils sur la terre, comment le Père pouvait-il être avec le Fils ? En ce que l’un et l’autre étaient en tous lieux, car Dieu ne peut pas être au ciel, sans être en même temps sur la terre. Écoute le Prophète : il voulait échapper au jugement de Dieu, et ne savait où se retirer : « Où irai-je devant votre esprit ? » dit-il. « Où fuir devant votre face ? « Si je monte vers les cieux, vous y êtes ». Mais il s’agit de la terre ; remarque donc ce