Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/619

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 Celui », le Christ Dieu, « qui ne connaissait pas le péché », il est venu dans la chair, c’est-à-dire dans une chair semblable à celle du péché [1] ». cette chair n’était pas, néanmoins, celle du péché ; elle n’était souillée par aucune faute ; le Christ est devenu la véritable victime pour le péché, parce qu’il était lui-même exempt de péché.
6. Mais dire que « le péché » est devenu la victime pour le péché, n’est-ce point une imagination de ma part ? Non ; et ceux qui ont lu les saintes Écritures le savent ; pour ceux qui ne les ont pas lues, qu’ils ne se montrent pas négligents ; qu’ils ne soient point négligents à les lire, cela s’entend ainsi seront-ils plus à même de juger en connaissance de cause. Parmi les sacrifices que le Seigneur avait prescrit d’offrir pour le péché, plusieurs s’offraient, non pour expier les péchés, mais pour figurer l’avenir ; pourtant, c’étaient les mêmes cérémonies, les mêmes hosties, les mêmes victimes, les mêmes animaux que pour les sacrifices expiatoires, où le sang répandu était l’emblème du sang du Sauveur ; or, la loi donne à ces victimes non expiatoires le nom de péchés : cela est si vrai qu’en plusieurs endroits de l’Écriture la recommandation est faite aux prêtres sacrificateurs de placer leurs mains sur la tête du péché, c’est-à-dire sur la tête de la victime à immoler pour le péché : c’est ce péché, ou, en d’autres termes, cette victime pour le péché qu’est devenu Notre-Seigneur Jésus-Christ, « en qui ne se trouvait aucun péché ».
7. Il a le droit d’affranchir de cet esclavage du péché celui qui dit dans un psaume : « Je suis devenu comme un homme privé de secours, libre entre les morts[2] ». Il était seul à jouir de la liberté, parce qu’il était le seul sans péché ; car il a dit dans l’Évangile : « Voilà que le prince de ce monde vient » ; par là, il voulait dire que le démon viendrait dans la personne des Juifs pour le persécuter : « Voilà qu’il vient, et il ne trouvera a rien en moi[3] ». Dans les justes mêmes qu’il fait mourir, il trouve toujours quelque péché, si petit qu’il soit : en moi il ne trouvera rien. Et comme si on lui disait : Puisqu’il ne trouvera rien en vous, pourquoi vous ferait-il mourir ? il ajoute : « Mais afin que le monde connaisse que j’aime mon Père et que je fais ce que mon Père m’a ordonné, levez-vous, sortons d’ici ». Si je meurs, dit-il, ma mort n’est pas la conséquence nécessaire de péchés que j’aurais commis ; mais, en mourant, j’accomplis la volonté de mon Père ; et ici, il y a plus de volonté de ma part que de nécessité venant d’ailleurs, car si je n’y consentais pas, je ne mourrais pas. N’a-t-il pas, en effet, dit ailleurs : « J’ai le pouvoir de donner ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre[4] ? » Au milieu des morts, il est donc vraiment libre.
8. Puisque tout homme qui commet le péché en est l’esclave, quelle espérance pouvons-nous avoir d’arriver à la liberté ? Le voici : « L’esclave », dit le Sauveur, « ne demeure pas toujours dans la maison ». La maison, c’est l’Église ; l’esclave, c’est le pécheur. Un grand nombre de pécheurs entrent dans l’Église. Aussi n’a-t-il pas dit : « L’esclave » n’entre pas dans la maison, mais : Il « ne demeure pas toujours dans la maison ». S’il ne doit y avoir là aucun esclave, qui est-ce qui s’y trouvera ? « Lorsque le Roi juste sera assis sur le trône du jugement », comme disent les saints livres, « qui est-ce qui pourra se glorifier d’avoir le cœur pur ? Qui est-ce qui pourra se vanter d’être exempt de péché[5] ? » O mes frères, il nous a fait trembler en nous adressant ces paroles. « L’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ». Mais le Sauveur ajoute : « Mais le Fils y demeure toujours ». Le Christ sera-t-il donc seul dans sa maison ? Aucun peuple ne s’y trouvera-t-il. avec lui ? À qui servira-t-il de tête, s’il n’a pas de corps ? Ou bien, le Fils est-il tout à la fois tête et corps ? Ce n’est pas sans motif qu’il a voulu nous inspirer la crainte et la confiance ; il nous a effrayés, afin que nous n’aimions pas le péché ; il nous a rassurés, pour nous faire espérer notre affranchissement par rapport au péché. « Tout homme qui commet le péché est l’esclave du péché ; mais l’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ». Nous, qui ne sommes pas exempts de péché, quelle espérance pouvons-nous avoir ? Écoute ; le voici : Le Fils y demeure toujours. Si le Fils vous affranchit, alors vous serez véritablement libres. Tel est donc, mes frères, l’objet de nos espérances : c’est que celui qui est libre nous affranchira, et qu’en nous faisant part de sa

  1. Rom. 8, 3
  2. Ps. 87, 5-6
  3. Jn. 14, 30-31
  4. Jn. 10, 18
  5. Prov. 20, 8-9