Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/657

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à-dire du peuple d’Israël ; « il faut aussi que je les amène », Il les amène par ses Apôtres, mais c’est lui-même et non un autre. Écoute encore ceci : « Et elles entendront ma voix ». C’est lui-même qui parle par ses envoyés, et c’est par leur bouche que sa voix se fait entendre, « afin qu’il n’y ait qu’un seul bercail et un seul pasteur ». De la réunion de ces deux troupeaux, comme de la réunion de deux murailles, s’est formée la pierre angulaire [1]. Le Christ est donc, en même temps, porte et pierre angulaire ; mais que tout cela soit dit par similitude ; car rien de tout cela n’existe en réalité.
6. Je l’ai déjà dit, et j’ai fortement appuyé sur cette vérité : ceux qui me comprennent le sentent bien, et même ceux qui le sentent me comprennent ; pour ceux dont l’intelligence ne saisit pas tout ce que je veux dire, leur devoir est de croire fermement ce qui dépasse encore les bornes de leur esprit. Par similitude se trouvent dans le Christ des qualités qui ne lui appartiennent point par nature ; ainsi, il est pierre, il est porte, il est pierre angulaire, il est pasteur, il est agneau, il est lion. Que de titres par similitude, sans en compter d’autres, qu’il serait trop long d’énumérer ! Si tu fais attention aux propriétés des choses que tu as l’habitude de voir, tu remarqueras que le Christ n’est pas une pierre, car il n’en a ni la dureté ni l’insensibilité ; il n’est pas davantage une porte, parce qu’il n’est pas sorti des mains d’un artisan, tu ne saurais non plus voir en lui une pierre angulaire, car un maçon ne l’a point préparée ; serait-il un berger ? Mais non : jamais il n’a gardé de brebis à quatre pattes ; comme il n’est pas une bête sauvage, on ne peut dire qu’il soit un lion ; enfin, ne le considérons pas comme un agneau, puisqu’il ne fait point partie d’un troupeau. Il n’est donc tout cela que par comparaison, car voici ce qu’il est par nature : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Qu’était-il comme homme, tel qu’il nous est apparu ? « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous[2] ».
7. Écoute encore : « C’est pour cela que le Père m’aime, parce que moi je quitte mon âme, afin que je la reprenne de nouveau ». Que dit-il ? « C’est pour cela que le Père m’aime » : parce que je meurs pour ressusciter. Le mot « moi » a été prononcé avec une affectation visible : « Parce que moi je donne », dit-il ; « je quitte mon âme, moi ; je quitte ». Qu’est-ce à dire, « moi je quitte ? » C’est moi qui la quitte ; que les Juifs ne soient pas si fiers : ils ont pu chercher à me faire du mal, mais jamais ils n’ont eu la puissance de disposer de moi. Qu’ils me tourmentent autant que cela dépend d’eux, si je ne consens pas à quitter mon âme, à quoi leur servira de me tourmenter ? Un seul mot de réponse, proféré par le Christ, a suffi pour les jeter à terre ; à cette question du Sauveur : « Qui cherchez-vous ? ils répondirent : « Jésus » ; alors il leur dit : « C’est moi ». Ils reculèrent de quelques pas, et furent « renversés [3] ». Sur une seule parole du Christ, ils sont tombés par terre ; que feront-ils, lorsqu’il leur parlera en qualité de juge ? « Moi, moi », dis-je, « je quitte mon âme, afin de la reprendre de nouveau ». Que les Juifs ne se glorifient point, comme s’ils étaient devenus les maîtres : il a seul disposé de sa vie. « Je me suis endormi ». Vous connaissez le psaume où se trouvent ces paroles du Christ « Je me suis endormi, j’ai pris mon sommeil, je me suis réveillé, parce que le Seigneur est mon appui [4] ». Tout à l’heure, ce psaume nous a été lu, et nous avons entendu ce passage : « Je me suis endormi, et j’ai pris mon sommeil, et je me suis réveillé, parce que le Seigneur est mon appui ». Qu’est-ce à dire : « Je me suis endormi ? » J’ai dormi, parce que je l’ai bien voulu. Qu’est-ce à dire : « Je me suis endormi ? » Je suis mort. À vrai dire, ne donnait-il point, puisqu’il est sorti de son sépulcre comme d’un lit, et cela quand il l’a voulu ? Mais il aime à rendre gloire à son Père, afin de nous porter à rendre gloire à notre Créateur. Quant à ces autres paroles : « Je me suis réveillé, parce que le Seigneur est mon appui », avez-vous le droit de conclure que le pouvoir de ressusciter lui a fait défaut, et que s’il a pu mourir par un effet de sa volonté, la puissance lui a manqué pour sortir d’entre les morts ? D’après ces paroles, si on ne les comprend point suffisamment, il semblerait qu’on doive les entendre en ce sens : « Je me suis endormi », ou, en d’autres termes, j’ai dormi parce que je l’ai bien voulu. « Et je me suis réveillé ». Pourquoi ? « Parce que le Seigneur est mon appui ». Eh quoi !

  1. Eph. 2, 11-22
  2. Jn. 1, 1, 14
  3. Jn. 18, 4-6
  4. Ps. 3, 6