Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/706

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donc de vouloir bien la remettre à une autre fois, plutôt que de la traiter superficiellement ou trop rapidement ; pour être prolongée, votre attente ne sera pas trompée ; car le Seigneur qui me rend votre débiteur m’aidera à acquitter ma dette.

CINQUANTE-SEPTIÈME TRAITÉ.

COMMENT L’ÉGLISE CRAINT DE SE SALIR LES PIEDS EN ALLANT À JÉSUS.

LA POUSSIÈRE DU MONDE.

L’Église craint pour ses prédicateurs, car ils peuvent se laisser entraîner à l’orgueil dans le ministère de la parole ; elle craint que ceux qui les écoutent ne voient leur charité s’affaiblir et s’éteindre au contact du monde ; c’est pourquoi elle voudrait que les premiers prédicateurs de l’Évangile, si purs et si saints, pussent revenir en ce monde pour la conduire, exempte de souillures, à Jésus-Christ.


1. Je n’ai pas oublié ma dette, voici le moment de m’acquitter. Daigne Celui qui m’a fait la grâce d’être votre débiteur, me donner de quoi payer ; car c’est le Seigneur qui m’a donné pour vous l’amour dont parle l’Apôtre : « Ne redevez rien à personne, sinon l’amour qu’on se doit les uns aux autres [1] ». Qu’il me donne donc les paroles dont je vois que je suis redevable envers mes bien-aimés. J’ai remis à aujourd’hui à vous expliquer de mon mieux comment on va à Jésus-Christ, même en marchant sur la terre, quoique l’Apôtre nous ordonne de rechercher ce qui est en haut et non ce qui est sur la terre [2]. Jésus-Christ, en effet, est, dans le ciel, assis à la droite du Père ; mais il est aussi ici, et c’est pour cela qu’au moment où Saul exerçait ses persécutions sur la terre, il lui dit : « Pourquoi me persécutes-tu [3] ? » Nous avons été amenés à cette question par l’examen de ce fait, que Notre-Seigneur lava les pieds à ses disciples, lorsque déjà ses disciples étaient purs et n’avaient besoin que de laver leurs pieds : il nous a semblé, alors, qu’il fallait en conclure que par le baptême l’homme est lavé tout entier ; mais que pendant tout le cours de cette vie terrestre, ses affections étant comme des pieds avec lesquels il foule la terre, cette vie lui fait contracter des souillures qui l’obligent à dire : « Pardonnez-nous nos offenses [4] ». Ainsi est-il purifié par Celui qui a lavé les pieds à ses disciples [5], et qui ne cesse d’intercéder pour nous [6]. Alors se présentèrent à nous ces paroles du Cantique des cantiques, qu’emprunte l’Église quand elle s’écrie : « J’ai lavé mes pieds, comment les souiller encore ? » Tel est son langage lorsqu’elle veut aller au-devant de son Bien Aimé, le plus beau des enfants des hommes [7], et lui ouvrir au moment où il vient vers elle frapper à sa porte et demande qu’on lui ouvre. De là est née cette question que nous n’avons pas voulu traiter l’autre jour, parce que le temps nous manquait pour le faire, et que nous avons remise à aujourd’hui : Comment l’Église peut-elle craindre en marchant vers Jésus-Christ, de souiller ses pieds qui ont été lavés par le baptême de Jésus-Christ ?
2. Voici, en effet, ce que dit l’Église : « Je dors et mon cœur veille : la voix de mon frère frappe à ma porte ». Jésus lui dit alors : « Ouvre-moi, ma sœur, ma chère parente, ma colombe, ma parfaite ; car ma tête est pleine de rosée et mes cheveux, des eaux de la nuit ». Et l’Église répond : « J’ai quitté ma tunique, comment la reprendre ? J’ai lavé mes pieds, comment les salir encore [8] ? » Sacrement admirable ! ineffable mystère ! elle craint donc de salir ses pieds en venant à Celui qui a lavé les pieds de ses disciples ? Oui, elle le craint, parce qu’il lui faut marcher sur la terre pour venir à Celui

  1. Rom. 13, 8
  2. Col. 3, 1-2
  3. Act. 9, 4
  4. Mt. 6, 12
  5. Jn. 13, 5
  6. Rom. 8, 34
  7. Ps. 94, 3
  8. Cant. 5, 2-3