annonça ce qui allait arriver dans sa passion, Pierre tout effrayé, lui qui venait de l’appeler Fils de Dieu, craignit qu’il ne mourût et lui dit : « A Dieu ne plaise, Seigneur, il ne vous arrivera rien de semblable[1] ». Il voulait se lever avant la lumière, et donner des conseils à la lumière. Mais que fit le Seigneur ? Il le contraignit à ne se lever qu’après la lumière : « Retire-toi ; arrière, Satan[2] ». Tu es Satan, parce que tu veux marcher devant moi ; « retourne ; arrière », c’est à moi de marcher le premier, et à toi de suivre. À toi d’aller où je vais, et non pas à toi de me faire aller où tu voudrais.
5. C’est donc à ceux qui voulaient se lever avant la lumière que notre psaume dit : « Inutile de vous lever avant la lumière ». Quand nous lèverons-nous ? Quand vous aurez été humiliés. « Levez-vous après avoir été assis ». Se lever marque l’élévation, s’asseoir l’abaissement. Quelquefois s’asseoir signifie prendre une place d’honneur pour juger, et quelquefois s’humilier. Comment désigne-t-il une place d’honneur pour juger ? « Vous serez assis sur douze trônes », dit le Sauveur, « pour juger les douze tribus d’Israël[3] ». Comment s’asseoir est-il un signe d’humilité ? « A la sixième heure le Seigneur s’assit sur le puits[4] ». La fatigue chez le Seigneur était une faiblesse, la faiblesse de la force, la faiblesse de la sagesse ; mais la faiblesse est l’humilité. Donc s’asseoir par faiblesse est pour lui un signe d’humilité. C’est parce qu’il s’est assis qu’il a été humble et qu’il nous a sauvés. Car « ce qui est faible en Dieu est plus fort que les hommes[5] ». De là cette parole d’un psaume : « Seigneur, vous savez quand je me suis assis et me suis relevé[6] » C’est-à-dire, vous connaissez mon abaissement et mon exaltation. Pourquoi donc, ô fils de Zébédée, vouloir vous lever avant la lumière ? Parlons ainsi et appelons-les par leur nom, ils ne s’en offenseront point. Car cette particularité de leur vie a été marquée, afin que les autres évitassent l’orgueil qui les gagnait quelque peu. Pourquoi donc vouloir vous lever avant la lumière ? « C’est chose vaine pour vous ». Vous voulez être élevés avant d’avoir été humiliés ? Mais votre Seigneur lui-même, qui est votre lumière, ne s’est élevé à la gloire que par les abaissements. Écoutez saint Paul qui nous dit : « Etant dans la nature de Dieu, il n’a pas cru qu’il y avait usurpation à se dire égal à Dieu ». Pourquoi n’y avait-il point usurpation pour lui ? Parce qu’il l’était par nature, et que sa naissance le faisait égal à celui qui l’engendrait. Mais qu’a-t-il fait ? « Il s’est anéanti lui-même à cause de nous, prenant la forme de l’esclave, se rendant semblable aux hommes, et reconnu homme par tout ce qui a paru de lui ». Il s’est donc humilié en se rendant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. Voilà comme il s’est assis. Écoute comme il s’élève : « C’est pourquoi Dieu l’a élevé, et lui a donné un nom au-dessus de tout nom »[7]. Déjà vous vous hâtez d’accourir à ce nom glorieux. « Levez-vous » donc, mais « quand vous vous serez assis ». Vous voulez vous lever, commencez par vous asseoir ; et c’est en vous relevant de votre humiliation que vous arriverez au royaume. Ravir tout d’abord le royaume, c’est tomber avant le lever. « Pouvez-vous boire le calice que je boirai moi-même », dit le Sauveur ? « Nous le pouvons », répondent les disciples. Et le Sauveur : « Vous boirez à la vérité mon calice, mais une place à ma droite ou à ma gauche, il n’est pas en mon pouvoir de vous la donner, elle appartient à ceux à qui mon Père l’a préparée[8] ». Qu’est-ce à dire : « Il n’est pas en mon pouvoir de vous la donner ? » Il ne m’appartient pas de la donner à des orgueilleux ; car voilà ce qu’ils étaient encore. Mais si vous voulez recevoir, ne soyez plus ce que vous êtes. « Elle est préparée pour d’autres » ; soyez autres, et elle sera préparée pour vous. Comment : Soyez autres ? Commencez par vous humilier, vous qui voulez être élevés. Ils comprirent que l’humilité leur serait avantageuse, et ils se corrigèrent. Écoutons donc à notre tour ce que nous dit le psaume : « Levez-vous après vous être assis ».
6. Pour nous empêcher de croire que « s’asseoir » est pris ici dans un sens d’honneur, et nous persuader que cette expression n’a ici d’autre signification que l’abaissement ; pour nous convaincre que ce n’est point là une injonction de s’asseoir pour juger, ou pour être à table et se réjouir, ce qui fournirait une occasion d’orgueil, le Prophète nous montre qu’il s’agit d’humilité, quand il dit : «
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