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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/277

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la qualité de Fils de l’homme. « Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nuées pleuvent le Juste ; que la terre s’ouvre et germe le Sauveur, et que la justice s’élève en même temps ; c’est moi, le Seigneur, qui l’ai créé[1] ». Nous lisons également : « Voici qu’un petit enfant nous est né, la principauté a été déposée sur ses épaules, et il sera appelé l’Admirable, l’Ange du grand conseil, le Dieu fort, le Père du siècle futur, le prince de la paix[2] » ; et encore : « Voici qu’une Vierge concevra dans son sein, elle enfantera un Fils et il sera appelé Emmanuel[3] ». L’ordre des choses exige qu’en parlant sur l’Évangile je ne passe pas sous silence les Prophètes. Saint Paul lui-même nous en donne l’exemple dans ce début de l’Épître aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, séparé pour prêcher l’Évangile de Dieu, Évangile qu’il avait promis auparavant par ses Prophètes dans les saintes Écritures, touchant son Fils qui est sorti de la race de David selon la chair[4] ». Saint Paul vient de vous apprendre que, avant d’être publié, l’Évangile avait dû être promis par les Prophètes. L’Apôtre vient de vous dire que le Fils de Dieu, selon la divinité, est devenu le Fils de l’homme « de la race de David, selon la chair ». Quelles contradictions peuvent donc exister entre les prophéties et l’Évangile ? Le Prophète s’écrie : « Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nuées pleuvent le Juste ». Que l’Ange vienne, qu’il annonce le Verbe ; que la terre s’ouvre, que Marie entende, qu’elle conçoive le Sauveur, qu’elle enfante Jésus. Le Prophète avait dit : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils, et il sera appelé Emmanuel ». L’Évangéliste rapporte textuellement ces paroles et ajoute : « C’est-à-dire Dieu avec nous[5] ». De son côté l’Apôtre écrit : « Touchant son Fils qui est sorti de la race de David selon la chair ». Ce que les Prophètes ont prévu et prédit, les Apôtres l’ont vu et prêché. Celui qui était a été fait ; celui quia été fait était déjà le Verbe, et il s’est fait chair ; il était le Fils de Dieu, et il s’est fait le Fils de l’homme.
2. Il était Dieu, il s’est fait homme ; il a pris notre humanité sans perdre la divinité ; il s’est fait humble, il est demeuré sublime. Il est né homme, il n’a pas cessé d’être Dieu. Il est né petit, tout en restant l’Infini sous les voiles de l’enfance. Que celui qui embrasse avec plaisir le Dieu né, se garde bien d’avoir horreur de l’enfantement de la Vierge. Dieu lui-même, le Créateur de l’homme, le Fils de l’homme, vous dit : Qu’y a-t-il pour vous étonner dans ma naissance ? La concupiscence n’a eu aucune part dans mon enfantement. Moi-même j’ai créé la mère dont je devais naître ; moi-même j’ai préparé et purifié la voie que je devais suivre en entrant dans le monde. Celle que vous méprisez, c’est ma mère, laquelle a été créée de ma propre main. Si j’ai pu me souiller en la créant, j’ai pu me souiller en prenant d’elle ma naissance. De même que sa virginité n’a reçu aucune atteinte par ma présence dans son sein, de même ma majesté n’a pu subir aucune souillure. Si les rayons du soleil savent dessécher les lieux les plus infects et rester toujours purs, combien plus la splendeur de la lumière éternelle, dans laquelle aucune tache ne saurait se produire, pourra-t-elle, sans se souiller, purifier tout ce qu’elle touchera de ses rayons ? Insensé, dans une Vierge restant toujours Vierge, puisqu’elle enfante en dehors de tout concours de l’homme, comment prétendez-vous trouver en elle des souillures ? Elle a conçu sans éprouver aucune concupiscence ; elle a enfanté sans ressentir aucune douleur où donc trouver des taches en elle ? Aucun étranger n’a eu accès dans cette demeure ; elle n’a été visitée que par son Créateur et son maître, dans le but de se couvrir d’un vêtement qu’il n’avait pas ; en la quittant, il l’a fermée sans que personne pût l’ouvrir, et vous soutenez qu’elle a été profanée ? Comme ce Fils de Marie est le seul libre entre les morts, de même la pudeur de sa mère est la seule qui ait conservé toute son intégrité. Eve, par sa désobéissance, a mérité le châtiment ; Marie, par son obéissance, a obtenu la gloire. Eve, en goûtant du fruit défendu, a été maudite ; Marie, en croyant à la parole de l’ange, a été bénie.

  1. Isa. 45, 8
  2. Id. 9, 6
  3. Id. 8, 13
  4. Rom. 1, 1
  5. Mt. 1, 23