Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/322

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d’avoir perdu ce gage assuré du bonheur éternel. Quant à ceux qui n’ont pas encore obtenu cet inappréciable bienfait, ils trouveront dans l’exemple que vous leur donnez un puissant motif de mériter et d’implorer la même faveur. « Que le Seigneur confirme donc ce qu’il a opéré en vous[1] » et dans tous les autres, et qu’il accorde à tous, comme il jugera nécessaire, l’abondance de sa miséricorde.
3. Pour vous, mes bien-aimés, qui êtes en ce moment l’objet de nos félicitations et de notre joie, et à qui s’adressent d’une manière toute spéciale ces belles paroles : « Voici le jour que le Seigneur a fait, car Dieu donna à la lumière le nom de jour[2] », conservez fortement ce que vous avez reçu. Les sacrements de la religion chrétienne vous ont été conférés dans toute leur plénitude. Vous voilà entrés dans la milice du Roi éternel de la terre et des cieux. Luttez courageusement contre les embûches de l’ennemi ; car, selon l’oracle infaillible, « celui-là sera couronné qui aura légitimement combattu[3] ». Nous tous, enfin, qui que nous soyons, écoutons cet avertissement de l’Apôtre : « Vous êtes tous les fils de lumière et les fils du jour, nous n’appartenons ni à la nuit ni aux ténèbres[4] ». Ainsi donc, sous le vif éclat d’une telle lumière, dans ce temps de sanctification, « ne dormons pas » du sommeil du péché, mais « veillons » pour toute bonne œuvre ; « soyons sobres » d’esprit et de corps. Marchons comme des enfants de lumière. « Le fruit de toute lumière réside dans la bonté, la justice et la vérité[5] ». Mangeons la sainte « Pâque, non pas avec l’ancien ferment de malice et d’iniquité, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité[6] ». L’objet pour nous de cette grande solennité spirituelle, c’est le Verbe de Dieu, notre Sauveur, dont il est dit : « Au commencement, Dieu le Verbe était dans le Père, et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu et nous croyons sa gloire[7] ». Il est le Fils unique du Père, et cependant il a daigné nous faire ses cohéritiers. O amour étonnant et ineffable ! Nous qui étions des serviteurs inutiles, nous avons mérité de devenir les frères de Jésus-Christ et ses cohéritiers.
4. Que rien de charnel, rien d’indigne ne se mêle aux élans de joie que nous inspire la grâce divine. Non-seulement il y aurait de l’indécence, mais encore un crime de trouver dans cette grande solennité l’occasion de se livrer à la sensualité dans les repas et de jeter l’âme dans une sorte de honteuse torpeur. Que nos fêtes soient donc honnêtes, agréables à Dieu, et conformes à cette parole de l’Apôtre : « Que toutes nos œuvres s’accomplissent honnêtement et selon l’ordre[8]; soit que nous mangions, soit que nous buvions, soit que nous fassions toute autre chose, agissons en tout au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ[9] », pour qui, dès le début, ou dans le cours des temps, a été institué ce grand jour, la première entre toutes les solennités et le résumé le plus sublime de tous les mystères. En effet, ce jour est le premier des sept jours de la semaine, ou le premier après la semaine, c’est-à-dire le huitième ; voilà pourquoi, sans doute, certains psaumes sont intitulés : « Pour l’Octave ». Nous trouvons ce nombre figuré par les huit personnes renfermées dans l’arche diluvienne, qui était le type de l’Église. Dans l’Évangile, le Sauveur énonce également huit béatitudes qui sont la peinture fidèle de la perfection de ceux qui, après avoir triomphé des tentations de ce siècle assez bien figurées par les flots du déluge, auront le bonheur de parvenir à la terre de l’immortalité. C’est aussi le huitième jour que l’Église prend naissance et que la Synagogue disparaît. Les Juifs croient devoir conserver l’observation du sabbat, c’est-à-dire du septième jour ; malheureux Juifs, qui ne connaissent pas le jour légitime et ne veulent pas croire que la fin de la loi c’est Jésus-Christ, qui seul a pu accomplir la loi, créer les jours et préposer à toutes les solennités ce jour que nous appelons le jour du Seigneur, parce que c’est dans ce jour que notre Seigneur et notre Sauveur, sortant du tombeau, est apparu au monde comme étant la véritable lumière. Les païens appellent ce jour le jour du soleil, sans comprendre la portée de cette parole ; nous, au contraire, nous comprenons que c’est le jour de ce soleil dont il est écrit : « Vous verrez s’élever pour vous le soleil de justice qui porte sur ses ailes notre salut[10] ». Personne n’attribue des ailes au soleil visible de

  1. Ps. 67, 29
  2. Gen.1,5
  3. 2 Tim. 2, 5
  4. 1 Thes. 5, 5
  5. Ibid, 9
  6. 1 Cor. 5, 8
  7. Jn. 1, 1-14
  8. 1 Cor. 14, 40
  9. Id. 10, 31
  10. Mal. 4, 2