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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/529

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Donc, parce que nous sommes en Jésus-Christ serviteurs de tous, nous devons, aussi bien en vers les riches, et les grands, et les maîtres, qu’envers les pauvres, les petits, les esclaves, nous acquitter du devoir de les prêcher. Car ils sont plus exposés, les riches, à s’enfler de leurs richesses, les grands, à céder à la vanité, les maîtres, à se prévaloir de leur puissance. Il faut, dès lors, leur enseigner avec plus de soin à s’appliquer sans relâche aux bonnes œuvres, à bâtir en eux-mêmes cette maison de Dieu, que la vétusté rie saurait ruiner, que nul ne saurait saisir, avec ce même zèle qu’ils déploient à construire des églises. C’est donc à vous que nous adressons la parole, vous que clous exhortons dans la charité de notre divin fondateur, ô vous qui regorgez de richesses, qui êtes élevés en dignités, qui exercez une grande domination. Ayez soin de bâtir en vous-mêmes une maison au Seigneur, non plus avec des pierres et des bois, mais avec de saintes œuvres. Or, telles seront vos œuvres, telle sera votre bâtisse. Soyez donc par-dessus tout, fermes sur la base, et demeurez en Jésus-Christ. Ensuite, qu’il y ait dans votre cœur une sainte défiance à l’égard de vos richesses et de l’abondance qu’elles vous procurent. C’est, en effet, bâtir une véritable maison à Dieu, que ne souffrir en votre âme aucun dommage. Fuyez l’orgueil, si vous ne voulez subir la ruine ; « ne mettez point votre confiance dans ces richesses qui sont incertaines[1] », et vous aurez à votre édifice une base qui durera toujours. Soyez riches en ces bonnes œuvres qui doivent contribuer à votre édification, et non à votre destruction. Soyez prompts à faire miséricorde, et ne vous prêtez point à la rapine. Que votre fortune soit exempte de violence ; que votre dignité soit sans, orgueil, que votre domination soit sans injustice. Vous tous qui êtes fidèles, élevez une maison au Seigneur par une vie sainte. Écoutons, mes frères, ce que nous enseigne le bienheureux Pierre, et comment il nous recommande le soin de cet édifice. Voici ses paroles : « Et vous-mêmes, soyez établis sur lui comme des pierres vivantes, pour former un édifice spirituel[2] ». Ainsi, mes frères, dans cette Église qui est sous nos yeux, nous voyons avec plaisir la lumière, la nouveauté, la solidité. Et nous, dès lors, qui sommes la maison de Dieu, jetons de l’éclat par nos bonnes œuvres. « Dépouillons-nous du vieil homme[3] », et revêtons généreusement l’homme nouveau ; soyons inébranlables dans une charité sainte et infatigable. Nous voyons des colonnes qui servent d’appui aux murailles, et dans tout l’édifice nous les voyons qui se tiennent étroitement, Quelles sont, dans la maison de Dieu, ces colonnes qui doivent soutenir la masse des pierres, sinon les hommes spirituels qui dirigent la foule des fidèles ? Quelles sont ces pierres étroitement unies, sinon tous les fidèles qui s’unissent par les liens de la charité, qui n’ont en Dieu qu’un cœur et qu’un âme, et qui bâtissent à Dieu, dans leur cœur, un tabernacle éternel ? Que les pierres vivantes s’unissent donc aux pierres vivantes, dans la construction de la maison de Dieu, qu’elles adhèrent l’une à l’autre, qu’elles soient liées d’une manière indissoluble, non par le mélange de la chaux, mais par les délices de la charité. O toi, dès lors, qui entres dans la maison de Dieu, sois toi-même cette maison ; garde la foi, tiens ferme dans cette charité qui unit l’Église, « évité le mal et fais le bien[4] », fuis l’avarice, aime la miséricorde, évite la fornication, aime la chasteté ; et, si tu ne saurais, dès maintenant, être une colonne dans la maison de Dieu, portant le poids de pierres nombreuses, du moins, sois une pierre unie aux autres pierres, afin de demeurer dans l’édifice. Il est bien, sans doute, de construire au Seigneur une maison visible, dans ta propriété, sur ton bien, ton domaine ; mais il est beaucoup mieux de lui élever dans ton cœur un palais invisible. En dehors de toi, il y a pour les hommes une maison de prière, que la maison de ta prière soit en toi. Habite-la fréquemment, et porte-la toujours ; c’est là que le Seigneur t’exaucera, d’autant plus volontiers que lui-même fait ses délices d’y habiter. Construis donc toujours en ton cœur une maison à Dieu, purifie-la, prépare-la pour Dieu, de manière que tu puisses continuellement y jouir de sa présence et qu’il y écoute favorablement ta prière. Qu’à lui soient toujours l’honneur, l’empire et le souverain pouvoir, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. 1Ti. 6, 17
  2. 1Pi. 2, 5
  3. Eph. 4, 22
  4. Psa. 36, 28.