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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/708

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d’abord, elle nous enseigne qu’une étoile plus brillante que les autres a montré à des Mages opulents l’humble demeure d’un grand Roi ; elle nous apprend aussi qu’à pareil jour il a, dit-on, opéré son premier miracle, en changeant subitement de l’eau en vin ; enfin, elle nous rappelle la croyance où l’on est qu’en ce jour encore, Jean a baptisé Jésus au moment où le Sauveur se trouvait dans le lit du Jourdain, Dieu le Père le reconnut hautement pour son Fils ; car, au rapport de l’Évangéliste, sitôt « qu’il sortit de l’eau on entendit une voix du ciel qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances : écoutez-le [1] ». Voilà, à ce que l’on croit, par quels indices publics a été aujourd’hui manifestée la puissance du Sauveur ; mais l’on s’accorde plus communément à reconnaître qu’à l’Épiphanie l’étoile a servi de flambeau aux Gentils pour leur montrer le chemin qui devait les conduire à ; travers les ténèbres jusqu’au Christ, et que, même au milieu de ses compatriotes, des Orientaux ont été les premiers à l’adorer. Car tel est le récit de l’Évangile : « Voilà que des Mages vinrent d’Orient à Jérusalem, et ils disaient : Où est celui qui est né roi des Juifs ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer[2] ». Mais les Donatistes, séparés de l’Orient, privés de la lumière, plongés dans les ténèbres de l’Occident, révoquent en doute la foi des Mages ; car ils supposent qu’ils se sont mis à la recherche du Dieu incarné, par calcul et non par esprit de religion. Or, serait-il possible qu’ils eussent parcouru de si vastes pays, qu’ils eussent offert au Sauveur de si précieux dons et se fussent prosternés à deux genoux pour adorer un enfant qu’ils voyaient enfermé en de si étroites limites et couvert de si pauvres baillons, s’ils n’avaient reconnu dans cet enfant le Roi du ciel, et remarqué en lui les traits de la grandeur divine ?

2. En effet, les astrologues, tremblants au milieu du monde sidéral, et poussés par la rage de la curiosité jusqu’à en devenir les habitants, les astrologues n’ont jamais su que Dieu dût un jour s’incarner. Ils ont eu beau, depuis le commencement du monde, s’occuper de la marche des corps célestes ; jamais ils n’ont connu les secrets desseins de l’Éternel ; car tous les nombres des étoiles sont impuissants à découvrir les pensées du Créateur du ciel. Puisque la création des astres a précédé celle de l’homme, comme toutes les plaines de l’air ont existé avant que les champs se soient parés de verdure et que les vastes prairies du firmament se soient émaillées d’étoiles d’or, il est certain que l’homme est postérieur en date aux destins qui l’ont précédé. Or, les astrologues raisonnent comme si les sorts avaient été faits les premiers, et jetés ensuite du haut du ciel sur les hommes, tandis que le destin ne date ni d’avant ni d’après l’homme, mais qu’il doit avoir commencé au moment même de sa conception. D’ailleurs, les astres ayant été répandus dans toute l’étendue des cieux, et ayant brillé deux jours avant la naissance du genre humain, comment donc, ô astrologue, dis-tu que le destin a passé par les astres pour aller jusqu’à l’homme, puisque l’existence de l’homme est de plus fraîche date que les astres ? Moi, mes frères, je vous dirai, oui, je vous dirai ce qui a porté les Mages à reconnaître, au moyen de l’étoile, le Roi des Juifs, ce Roi auquel ils ont rendu témoignage par des présents si bien appropriés à sa nature ; car ils lui ont offert de l’or, comme au grand Roi, de l’encens, comme à Dieu, de la myrrhe, comme à l’homme dont le petit corps devait mourir pour le salut du monde ; et alors s’est vérifié cet oracle du Prophète : « Tous viendront de Saba, apportant de l’or, de l’encens et de la myrrhe[3] » ; et, en l’offrant, ils ont fait connaître le don du Seigneur. Je vais donc vous dire pourquoi les Mages ont remarqué l’étoile, pourquoi ils ont suivi la voie lumineuse qu’elle leur indiquait. Le divin Balaam avait été appelé auprès du roi Balac, pour maudire les enfants d’Israël ; mais Dieu lui fit des menaces terribles et lui ordonna de bénir, au lieu de maudire, son peuple qui passait. Balaam annonça donc, malgré lui, aux Juifs, un grand nombre d’événements heureux pour lui et, entre autres promesses, il leur fit, en ces termes, celle de la venue future du Seigneur Christ : « Une étoile sortira de Jacob, et un homme s’élèvera d’Israël, et il broiera tous les chefs des étrangers, et tous les confins de la terre deviendront son bien[4] ». De tous les Mages et, de tous les devins de ce temps-là, Balaam passait pour le plus capable ; aussi sa prophétie, qu’il avait puisée en Dieu,

  1. Mat. 3, 16-17
  2. Id. 2, 1,2
  3. Isa. 60, 6
  4. Nom. 24, 17