Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/225

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car il n’est pas juste d’altérer la vérité du témoignage pour le bien temporel ou la vie de qui que ce soit. De plus on ne doit conduire personne au salut éternel à l’aide du mensonge ; il ne faut pas qu’un homme soit converti à la vertu par le vice de celui qui le convertit, car, après sa conversion, il doit lui-même tenir à l’égard des autres la conduite qu’on a tenue envers lui ; par conséquent ce n’est plus au bien, mais au mal qu’on le convertit, quand on lui donne à imiter après sa conversion le modèle qu’on lui a présenté pour sa conversion. Il ne faut pas mentir de la septième manière, parce qu’on ne doit pas préférer l’avantage ou la vie temporelle de quelqu’un à la perfection de la foi. Si nos bonnes actions faisaient une mauvaise impression sur le prochain, jusqu’à le rendre pire et à l’éloigner de la piété, nous ne devrions cependant pas nous en abstenir pour autant, parce qu’il faut avant tout tenir solidement au point où nous devons appeler et attirer ceux que nous aimons comme nous-mêmes. Il faut se pénétrer vaillamment de cette pensée de l’Apôtre : « Nous sommes aux uns odeur de vie pour la vie, aux autres odeur de mort pour la mort ; or, qui est capable d’un tel ministère ? » Enfin, il ne faut pas mentir de la huitième manière, parce que la chasteté de l’âme, qui est la pudeur du corps, compte parmi les biens ; et que, parmi les maux, celui que nous faisons est plus grand que celui que nous laissons faire. Or, dans ces huit espèces de mensonges, on pèche d’autant moins qu’on s’approche plus de la huitième, et d’autant plus qu’on s’approche plus de la première. Mais s’imaginer qu’il peut y avoir un mensonge exempt de péché, c’est se tromper grossièrement en se figurant qu’on peut honnêtement tromper les autres.

43. Les hommes sont tellement aveugles que, si nous leur accordions qu’il y a des mensonges exempts de péché, ils ne s’en contenteraient pas, et voudraient que dans certains cas il y eût péché à ne pas mentir ; ils sont même allés si loin dans leur apologie du mensonge, qu’ils ont accusé l’apôtre saint Paul d’en avoir dit un de la première espèce, la plus criminelle de toutes. Ils prétendent en effet que dans son épître aux Galates, écrite comme toutes les autres pour enseigner la religion et la piété, il a menti, lorsqu’il a dit de Pierre et de Barnabé : « Quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile ». Tout en voulant justifier Pierre de son erreur et de la mauvaise voie où il était entré, ils ne tendent qu’à fausser la voie même de la religion, qui est pour tous celle du salut, en détruisant, en anéantissant l’autorité des Ecritures. Ils ne s’aperçoivent pas que ce n’est pas un simple mensonge, mais un parjure, qu’ils reprochent à l’Apôtre en matière d’enseignement religieux, c’est-à-dire dans une épître où il prêche l’Évangile ; car, avant de raconter ce fait, il a dit : « Ce que je vous écris ; voici : devant Dieu, je ne mens pas ». Mais terminons ici cette discussion.

Tout bien pesé, tout bien considéré, ce que nous devons surtout retenir, ce que nous devons principalement demander, c’est ce que le même apôtre exprime en ces termes : « Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés par-dessus vos forces ; mais il vous fera tirer profit de la tentation même, afin que vous puissiez persévérer. »