s’est mis au-dessous du Père, mais il est resté son égal comme Dieu, car il était Dieu avant que de se faire Homme-Dieu. Comme Dieu, il est ce Verbe dont saint Jean a dit que « toutes choses avaient été faites par lui ( Jean, I, 3 ) » ; et comme homme, « il a été formé d’une femme, et assujetti à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi (Gal., IV, 5 ) ». Comme Dieu, il a concouru à la création de l’homme, et il a été fait homme lorsqu’il a pris la forme d’esclave. Et en effet, si le Père seul eût créé l’homme, l’Ecriture ne rapporterait pas ces paroles
« Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance (Gen., I, 26 ) ». Ainsi, parce qu’étant Dieu, le Verbe a pris la forme d’esclave, il est tout ensemble Dieu et homme. Il est Dieu parce qu’il conserve la nature divine, et il est homme parce qu’il a pris la nature humaine. Mais en Jésus-Christ, ces deux natures n’ont subi aucune altération ni aucun changement. La divinité ne s’est point abîmée en l’humanité, de telle sorte qu’elle eût cessé d’être la divinité, et l’humanité n’a point été absorbée par la divinité, de telle sorte qu’elle eût cessé d’être l’humanité.
CHAPITRE VIII.
PASSAGES DE L’ÉCRITURE RELATIFS A L’INFÉRIORITÉ DU FILS.
15. Il est vrai que l’Apôtre dit dans sa première épître aux Corinthiens, que « lorsque toutes choses auront été assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti à Celui qui lui aura assujetti toutes choses (I Cor., XV, 28 ) ». Mais ces paroles signifient seulement, qu’alors même l’humanité que le Fils de Dieu a prise en se faisant homme, ne sera point absorbée par la divinité, ou, pour parler plus exactement, par l’Etre divin. Car cet Etre n’est point créature, et il n’est autre que la Trinité, une en nature, incorporelle et immuable, et dont les personnes sont entre elles consubstantielles et coéternelles. Voulez-vous même, avec quelques-uns, interpréter ces paroles : « Et le Fils sera lui-même assujetti à Celui qui lui aura assujetti toutes choses », dans le sens que cet assujettissement s’opérera par le changement et la transformation de la nature humaine en la nature et l’essence divine, en sorte que l’homme disparaîtra en Jésus-Christ, et qu’il ne restera plus que le Dieu ? du moins, vous ne pouvez pas ne point accepter ce fait irrécusable, a savoir que cette transformation n’avait point eu lieu quand Jésus-Christ disait : « Mon Père est plus grand que moi ». Car il a prononcé cette parole bien avant son Ascension, et même avant sa mort et sa résurrection.
D’autres au contraire croient qu’un jour cette transformation de la nature humaine en la nature divine aura lieu, et ils expliquent ces mots : « Alors le Fils sera lui-même assujetti à Celui qui lui aura assujetti toutes « choses », comme si l’Apôtre disait qu’au jour du jugement général, et après qu’il aura remis son royaume entre les mains de son Père, le Verbe de Dieu lui-même et la nature humaine qu’il a prise, seront perdus et abîmés en l’essence de Dieu le Père, qui a soumis toutes choses à son Fils. Mais ici encore, et même dans cette seconde hypothèse, le Fils est inférieur au Père, en tant qu’il a pris dans le sein d’une Vierge la forme d’esclave. Enfin se présente un troisième ordre d’adversaires. Ils affirment qu’en Jésus-Christ l’humanité a été dès le principe absorbée par la divinité : et toutefois ils ne peuvent nier que l’homme subsistait encore dans le Christ, lorsqu’il disait avant sa passion : « Le Père est plus grand que moi ». Il est donc véritablement impossible de ne pas interpréter cette parole dans ce sens que le Fils de Dieu, égal à son Père comme Dieu, lui est inférieur comme homme.
Il est vrai que l’Apôtre en disant « que tout est assujetti au Fils », excepte manifestement « Celui qui lui a assujetti toutes choses ». Mais ce serait une erreur d’en conclure que le Père seul doit agir en cette circonstance, et que le Fils n’a point concouru à s’assujettir toutes choses. Au reste saint Paul explique lui-même sa pensée dans ce passage de l’épître aux Philippiens : « Nous vivons déjà dans le ciel ; et c’est de là aussi que nous attendons le Sauveur, Notre Seigneur Jésus-Christ, qui changera notre corps misérable en le rendant conforme à son corps glorieux par cette vertu efficace qui peut lui assujettir toutes choses ( Philipp., III, 20, 21 ) ». Le Père et le Fils agissent donc inséparablement : toutefois ce n’est pas le Père qui s’assujettit toutes choses, mais c’est le Fils qui lui soumet toutes choses, qui lui remet son royaume, et qui anéantit tout empire, toute domination et toute puissance. C’est en effet