Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/380

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comprendre que la naissance humaine du Verbe ait pu avoir lieu sans le concours de l’Esprit-Saint ; et puis l’Evangile nous l’affirme ouvertement. La Vierge Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il ? » et l’ange lui répondit : « L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ». Aussi saint Matthieu dit-il qu’ « elle se trouva avoir conçu du Saint-Esprit (Luc, I, 34, 35 ; Matt. I, 18 ) ». Enfin, c’est de son futur avènement en la chair que Jésus-Christ lui-même a dit par la bouche d’Isaïe : « Le Seigneur et son Esprit m’ont envoyé (Isa., XLVIII, 16 ) ». 9. Peut-être aussi quelqu’un de mes adversaires me pressera-t-il jusqu’à me faire dire que le Fils s’est envoyé lui-même. Et, en effet, la conception de Marie et son enfantement sont une œuvre de la Trinité tout entière, puisque les trois personnes divines coopèrent également à la création des êtres. Comment donc, direz-vous, le Fils est-il envoyé par le Père, s’il s’envoie lui-même ? Avant toute réponse, je demande à mon tour qu’on m’explique comment le Père sanctifie le Fils, puisque celui-ci se sanctifie lui-même ? Or, Jésus-Christ a expressément formulé cette double vérité. « Moi, dit-il, que le Père a sanctifié et envoyé au monde, vous dites que je blasphème, parce que j’ai dit : Je suis Fils de Dieu (Jean, X, 36 ) », et dans un autre endroit, il dit : « Je me sanctifie pour eux (Id., XVII, 19) ». Je demande encore comment le Père a pu livrer son Fils à la mort, puisqu’il s’y est livré lui-même. C’est ce que nous enseigne l’Apôtre, quand il nous dit que « Dieu n’a pas épargné son propre Fils, et qu’il l’a livré pour nous tous » ; et parlant ailleurs du Sauveur et de sa rédemption, il écrit ces mots : « Il m’a aimé, et il s’est livré pour moi (Rom., VIII, 32 ; Galat., II, 20 ) ». Avec un peu de science théologique, on me répondra que dans le Père et le Fils il y a unité de volonté, non moins qu’unité d’opération. Comprenons donc que si le mystère de l’Incarnation du Verbe et celui de sa naissance du sein de la Vierge Marie, nous révèlent qu’il a été envoyé par le Père, il n’est pas moins certain que ces deux mystères sont l’œuvre conjointe et unique du Père et du Fils, Il faut aussi leur adjoindre l’Esprit-Saint, car l’Evangile dit expressément que « Marie se trouva avoir conçu du Saint-Esprit ». Cette manière d’élucider la question nous fera comprendre plus facilement le sens de cette assertion : Dieu le Père a envoyé son Fils, il lui a commandé de venir dans le monde, et soudain le Fils a obéi, et est venu. Mais le Père a-t-il simplement manifesté un désir, ou bien a-t-il donné un ordre formel ? Peu importe, puisque dans un cas, comme dans l’autre, le Père a déclaré sa volonté par sa parole. Or, la parole ou le Verbe de Dieu n’est autre que le Fils de Dieu. C’est pourquoi, dès là que le Père a envoyé le Fils par sa parole, on est en droit de conclure que cette mission n’est pas moins l’œuvre du Fils que celle du Père. Le Père envoie le Fils, et le Fils s’envoie lui-même, parce qu’il est le Verbe, ou la Parole du Père. Eh ! qui pourrait en effet proférer cet horrible blasphème, et dire que le Père a prononcé une parole rapide et passagère pour envoyer son Verbe éternel, et faire que dans le temps il apparût en notre chair ? Mais la vérité est qu’en Dieu était le Verbe, qu’au commencement le Verbe était avec Dieu, et qu’il était Dieu lui-même. Ainsi cette sagesse divine qui n’est point bornée par le temps, a daigné dans le temps prendre la nature humaine. Et comme en dehors de tout calcul de temps et de durée, le Verbe était au commencement,et que le Verbe était avec Dieu, et que le Verbe était Dieu, éternellement aussi résidait dans le Verbe le décret ou la parole qui réglait que dans le temps le Verbe se ferait chair, et qu’il habiterait parmi nous (Jean, I, 1, 2, 14 ). Lors donc que la plénitude des temps fut arrivée, « Dieu envoya son Fils formé d’une femme (Gal., IV, 4 ) », c’est-à-dire né dans le temps, afin que son Verbe devînt homme et qu’il parût au milieu des hommes. Mais le Verbe avait de toute éternité fixé en lui-même le moment où il se manifesterait dans le temps. Car l’ordre des temps et la succession des siècles sont éternels en la sagesse de Dieu. Or, puisque nous reconnaissons que le décret qui réglait l’incarnation appartient également au Père et au Fils, nous pouvons dire avec raison que celui des deux qui a paru en notre chair, a été envoyé, et que l’autre qui ne s’est point manifesté, l’a envoyé. Car les œuvres extérieures qui paraissent à nos yeux, se réalisent en Dieu dans le secret de la Divinité, et c’est pourquoi on les dit envoyées, missa.