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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/381

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Au reste, c’est la personne du Fils qui s’est faite homme, et non celle du Père. Aussi disons-nous que dans ce mystère le Père a envoyé le Fils, parce qu’étant, avec son Fils, Dieu et invisible, il a fait que ce Fils s’est rendu visible. Mais si le Fils, en se rendant visible, eût cessé d’être invisible ainsi que le Père, c’est-à-dire si la nature invisible du Verbe se fût changée et transformée en une créature visible, on comprendrait bien que le Père envoie le Fils, quoique l’on ne puisse concevoir aussi facilement que le Fils reçoive de lui-même sa mission, ainsi qu’il la reçoit du Père. Mais parce que le Fils, en prenant la forme d’esclave, a conservé la forme divine en toute son intégrité, il est évident que le Père et le Fils, par une opération secrète et invisible, ont fait que le Fils apparût parmi les hommes. En d’autres termes, le Père invisible et le Fils invisible ont envoyé le Fils, afin qu’il se manifestât au monde. Pourquoi donc Jésus-Christ dit-il : « Je ne suis point venu de moi-même ? » C’est qu’il parlait en tant qu’homme ; et c’est en ce même sens qu’il ajoutait encore : « Je ne juge personne (Jean, VIII, 42, 15 ) ». 10. Nous disons donc que Dieu le Fils a été envoyé, parce qu’étant comme Dieu caché aux regards des hommes, il s’est rendu visible comme homme. Et de même il est aisé de comprendre que l’Esprit-Saint est également envoyé. Car nous savons que cet Esprit divin s’est manifesté quelquefois sous une forme sensible et matérielle. Ainsi, au baptême de Jésus-Christ, il descendit sur lui sous la forme d’une colombe ; et au jour de la Pentecôte, il s’annonça d’abord par un vent violent, et les apôtres virent ensuite comme des langues de feu qui se partagèrent et se reposèrent sur chacun d’eux (Matt., III, 16 ; Act., II, 2-4 ). C’est cette manifestation visible de l’action secrète de l’Esprit. Saint que nous appelons Mission. Sans doute, il n’apparut pas en cette nature invisible et incommunicable qui lui est commune avec le Père et le Fils, mais il voulut exciter, par ces signes sensibles, l’attention des hommes, afin que de cette manifestation temporelle, ils s’élevassent à la pensée de sa présence éternelle et invisible.


CHAPITRE VI.

LE SAINT-ESPRIT NE S’EST PAS INCARNÉ COMME LE FILS.

11. Nous observons aussi que nulle part l’Ecriture ne dit que le Père est plus grand que l’Esprit-Saint, ni que celui-ci soit inférieur au Père. La raison en est que l’Esprit-Saint ne s’est point uni hypostatiquement aux créatures dont il empruntait la forme pour se rendre visible, comme le Verbe divin s’est uni à la nature humaine, et s’est manifesté en cette nature. Car en Jésus-Christ la divinité était unie à l’humanité d’une manière bien plus excellente que dans les saints qui participent à la sainteté de Dieu, et si comme homme il surpassait tous les hommes en sagesse, ce n’était point qu’il eût plus abondamment puisé dans la plénitude du Verbe, mais c’était qu’en lui il n’y avait qu’une seule personne, la personne du Verbe. Et, en effet, il est bien différent d’affirmer que le Verbe est dans la chair, ou que le Verbe est chair, c’est-à-dire que le Verbe est dans l’homme, ou que le Verbe est homme. Au reste, ici, le mot chair signifie homme, comme dans ce passage de l’Evangile : « Le Verbe s’est fait chair » ; et encore : « Toute chair verra également le salut de Dieu (Jean, I, 14 ; Luc, III, 6 ) ». Car, qui oserait dire que ces derniers mots désignent une créature inanimée et irraisonnable ? Evidemment toute chair veut dire tout homme. Il est donc vrai de dire que l’Esprit-Saint ne s’est point uni la créature dont il a emprunté la forme pour se manifester, de la même manière que le Fils de Dieu s’est uni la nature humaine, qu’il a prise dans le sein de la Vierge Marie. Car ce divin Esprit n’a point béatifié la colombe, ni le vent, ni le feu, et il ne s’est joint à aucun de ces éléments en unité de personne et par une union éternelle. On serait également dans l’erreur, si l’on affirmait que ces éléments n’étaient point de simples créatures, et que l’Esprit-Saint, comme s’il était muable et changeant de sa nature, s’était transformé en colombe, en souffle, ou en feu, ainsi que l’eau se convertit en glace. La vérité est que ces diverses créatures se montrèrent en temps opportun, se réjouissant de servir leur Créateur, et obéissant à l’ordre de Celui qui est par essence immuable et éternel. C’est ainsi qu’elles symbolisèrent son