Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/383

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tard, et seulement lorsqu’il a été formé d’une femme ? « Quand la plénitude des temps fut arrivée, dit l’Apôtre, Dieu envoya son Fils formé d’une femme (Gal., IV, 4 ) ». Or, ce même Fils n’avait pas été précédemment envoyé, quand il parlait à nos pères sous ces formes mobiles et passagères. D’ailleurs, en admettant que l’on ne puisse véritablement dire du Fils qu’il a été envoyé, si l’on ne se reporte au mystère de l’incarnation ; pourquoi le disons-nous du Saint-Esprit, qui jamais ne s’est uni à aucune créature ? Enfin, voulez-vous ne plus reconnaître en ces figures dont nous parlent la loi et les prophètes, ni le Père, ni le Fils, mais le Saint-Esprit ? je vous demanderai encore pourquoi ce n’est que dans l’Evangile que cet Esprit est dit envoyé, quoiqu’il soit évident qu’il l’ait été longtemps auparavant, et de diverses manières ? 13. Ces questions sont difficiles et perplexes, et avant d’en aborder la solution, je dois rechercher si sous ces formes corporelles et sensibles les trois personnes divines se manifestaient séparément, en sorte que, tantôt ce fût le Père, tantôt le Fils, ou le Saint-Esprit, ou bien si c’était la Trinité entière sans distinction de personnes, et comme n’étant qu’un seul et unique Dieu. En second lieu, quel que soit le résultat de mes recherches, je demanderai encore si Dieu créa réellement alors la créature dont il se servit pour se montrer aux ’yeux des hommes, ou si les anges qui existaient déjà, et qui étaient envoyés pour parler au nom de Dieu, revêtaient selon les besoins de leur ministère la forme d’une créature corporelle et sensible. Peut-être aussi, comme ils ne sont point soumis à leurs corps, mais qu’ils le régissent à leur gré, ont-ils pu, en vertu de la puissance que le Seigneur leur a donnée, transformer ce corps en la forme qu’ils jugeaient la plus convenable à leur mission. Enfin, j’examinerai, et c’est là le point culminant de la question, si le Fils et l’Esprit-Saint ont été envoyés avant l’époque qui est marquée dans l’Evangile, et s’ils l’ont été, quelle différence existe entre cette mission première et celle que les évangélistes nous racontent, ou bien faut-il dire que le Fils n’a été envoyé qu’au moment où il s’incarna dans le sein de la Vierge Marie, et qu’également l’Esprit-Saint n’a été envoyé qu’au jour où il se montra visiblement sous la forme d’une colombe ou de langues de feu ?


CHAPITRE VIII.

TOUTE LA TRINITÉ ÉGALEMENT INVISIBLE.

14. Mais d’abord je laisse de côté ceux qui, ne s’inspirant que de la chair, disent que le Fils unique de Dieu, qui est son Verbe et sa Sagesse, et qui, toujours immuable en lui-même, renouvelle sans cesse toutes choses, a été non-seulement soumis au changement, mais encore qu’il s’est rendu visible à nos yeux. Leur erreur vient de ce qu’ils appliquent à l’étude de la religion un esprit plus rempli de pensées basses et terrestres que de sentiments religieux. Et, en effet, considérons notre âme : elle est une substance spirituelle, et elle n’a pu recevoir l’être que de Celui par qui toutes choses ont été faites et sans lequel rien n’a été fait. Eh bien ! je dis que cette âme, quoique sujette au changement, n’est point visible. Pourquoi donc mes adversaires le croient-ils du Verbe, qui est la sagesse même de Dieu et qui a créé notre âme ? D’ailleurs cette sagesse divine n’est pas seulement invisible comme l’est notre âme, mais de plus elle est immuable, ce que notre âme ne saurait jamais être. C’est cet attribut que proclame l’Ecriture quand elle dit, en parlant de la sagesse divine, « qu’immuable en soi, elle renouvelle toutes choses (Sag., VII, 27 ) ». Il est vrai que pour étayer cette erreur sur le témoignage des saintes Ecritures, on cite deux passages de l’Apôtre. Mais on les prend dans un sens faux, puisqu’on n’applique qu’à Dieu le Père, et non au Fils et au Saint-Esprit, ce que l’Apôtre dit de la Trinité entière. Au reste, voici ces deux passages : « Au Roi des siècles, au Dieu qui est l’immortel, l’invisible, l’unique, honneur et gloire dans les siècles des siècles… Celui qui est souverainement heureux, le seul puissant, le Roi des rois, et le Seigneur des seigneurs ; qui seul possède l’immortalité ; qui habite une lumière inaccessible, et qu’aucun homme n’a vu et ne peut voir ( I Tim., I, 17, VI, 15,16 ). Et maintenant, pour ce qui est du véritable sens de ces passages, je crois en avoir déjà suffisamment donné l’explication.