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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/386

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craignait-il pas d’en être vu, parce qu’il avait entendu sa voix, et qu’il avait senti sa présence dans le paradis terrestre ? Caïn disait aussi au Seigneur : « Voilà que je me cacherai de devant votre face ( Gen., IV, 14 ) ». Et néanmoins nous ne sommes point forcés d’avouer que Caïn vit Dieu des yeux du corps, et sous une forme sensible, quoiqu’il entendît distinctement la voix qui lui parlait, et qui lui reprochait son crime. Au reste, il est difficile d’expliquer comment Dieu faisait alors entendre sa voix aux hommes, et principalement à Adam. D’ailleurs cette recherche est étrangère à mon sujet, et je me propose seulement cette question. S’il n’y avait dans ces apparitions de Dieu aux premiers hommes qu’une voix et un son qui leur rendit sa présence plus sensible, pourquoi n’y reconnaîtrais-je pas la personne du Père ? En vérité, je ne vois rien qui s’y oppose. Car c’est le Père qui se manifeste et qui parle, lorsque sur la montagne Jésus est transfiguré en la présence de trois de ses apôtres. C’est lui encore qui se fait entendre, lorsqu’au baptême de Jésus, l’Esprit-Saint descend sur lui en forme de colombe ( Matt., XVII, 5, III, 17 ), et qui, exauçant cette prière du même Jésus : « Mon Père, glorifiez votre Fils », dit : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ( Jean, XII, 28. ) ». Ce n’est point, il est vrai, qu’ici Dieu le Père agisse sans son Fils et sans l’Esprit-Saint, puisque toute œuvre extérieure est commune aux trois personnes divines. Mais je veux dire que cette voix révélait seulement la personne du Père, de même que le mystère de l’Incarnation est l’ouvrage de la Trinité entière, et que néanmoins la personne seule du Fils s’est incarnée. Et en effet, si la Trinité invisible nous a rendu visible par l’Incarnation la seule personne du Fils, pourquoi ne verrions-nous pas dans la parole que Dieu adresse à Adam et l’action de la Trinité entière, et la manifestation spéciale d’une des trois personnes divines ? D’ailleurs nous sommes contraints d’attribuer uniquement au Père cette parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ( Matt., III, 17 ). Car on ne saurait dire, ni croire que Jésus-Christ est le Fils de l’Esprit-Saint, ou bien qu’il est lui-même son propre Fils. N’est-ce pas encore le Père qui se déclare par cette voix venue du ciel : « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore » ? Elle n’est en effet que la réponse du Père à cette prière du Sauveur Jésus : « Mon Père, glorifiez votre Fils ». Or Jésus ne pouvait prier ainsi que son Père, et non l’Esprit-Saint dont il n’est point le Fils. Pourquoi donc n’entendrions-nous pas de la sainte Trinité cette parole de la Genèse : « Et le Seigneur Dieu dit à Adam » ? 19. Nous lisons également dans l’Ecriture que Dieu dit à Abraham : « Sors de ta terre et de ta parenté, et de la maison de ton Père ». Mais il n’est point expressément marqué si ce patriarche entendit seulement un son et une voix, ou s’il fut en outre favorisé de quelque apparition. Un peu après, il est vrai, l’écrivain sacré semble se prononcer plus ouvertement, car il ajoute « que le Seigneur apparut à Abraham et lui dit : Je donnerai cette terre à ta postérité ( Gen., XII, I, 7 ) ». Toutefois, même dans ce passage, Moïse ne spécifie point le genre de vision dont jouit Abraham, et il ne détermine point laquelle des trois personnes divines lui apparut. Mais peut-être croirez-vous qu’il ait voulu désigner le Fils, parce qu’il a dit : « Le Seigneur apparut à Abraham », et non Dieu apparut. Et en effet dans quelques endroits des saintes Ecritures, ce mot, le Seigneur, désigne particulièrement Dieu le Fils. Ainsi l’Apôtre écrit aux Corinthiens : « S’il est des êtres appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre, en sorte qu’il y ait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, néanmoins il n’y a pour nous qu’un seul Dieu, le Père, de qui procèdent toutes choses, et qui nous a faits pour lui ; et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites, et nous sommes par lui ( I Cor., VIII, 5, 6 ) ». Cependant Dieu le Père est lui-même appelé Seigneur dans plusieurs passages de nos livres saints, comme dans celui-ci : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite » ; et encore : « Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon Fils, et je vous ai engendré aujourd’hui ( Ps. CIX, 1, II, 7 ) ». Bien plus, l’Apôtre nomme aussi Seigneur l’Esprit-Saint, car il dit que « le Seigneur est Esprit » ; et pour qu’on ne puisse croire qu’il désigne ici le Fils, et ne l’appelle esprit que par rapport à son humanité, il ajoute immédiatement que « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté ( I Cor., III, 17 ) ». Or, qui peut douter que l’esprit du Seigneur ne soit l’Esprit-Saint ? C’est pourquoi l’on ne peut ni préciser laquelle