Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/387

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des trois personnes divines apparut à Abraham, ni déterminer si ce ne fut pas cette Trinité entière, dont il est dit, comme n’étant qu’un seul Dieu : « Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui ( Deut., VI, 13 ) ». Sous le chêne de Mambré, Abraham vit encore trois hommes, qu’il invita à venir se reposer sous sa tente, et auxquels il servit le repas de l’hospitalité. Mais au début de son récit Moïse dit que « le Seigneur apparut à ce patriarche », et non que trois hommes lui apparurent ; et puis, entrant dans quelques détails au sujet de ces trois hommes, il observe qu’Abraham leur parla au nombre pluriel pour les inviter, et au nombre singulier pour les entretenir. C’est ce que nous remarquons lorsque l’un d’eux lui promit un fils de Sara ; et à cette occasion l’écrivain sacré répète cette expression : « Le Seigneur apparut à Abraham ». Ainsi Abraham invite ces trois hôtes, leur lave les pieds et les reconduit par honneur, comme s’ils étaient trois hommes, et il leur parle comme s’il ne s’adressait qu’au Seigneur, soit qu’ils lui promettent un fils, soit qu’ils lui annoncent la prochaine destruction de Sodome ( Gen., XVIII. ).


CHAPITRE XI.

LE CHÊNE DE MAMBRÉ.

20. Mais ce passage de la Genèse mérite que nous nous y arrêtions quelque temps. Et en effet, si un seul homme eût apparu au saint patriarche, ceux qui affirment que le Fils était visible de sa nature, et avant son incarnation dans le sein d’une Vierge, pourraient ici jeter un cri de joie et de victoire, et soutenir avec raison que c’est du Père que l’Apôtre a dit « qu’il est seul le Dieu invisible ( I Tim., I, 17 ) ». Toutefois il me serait permis de leur demander comment, avant qu’il se fût fait homme, le « Fils de Dieu put être reconnu homme par tout ce qui parut en lui », car Abraham lui lava les pieds, et le fit asseoir à sa table. Oui, comment cela put-il se faire, lorsque « ce Fils ayant la nature de Dieu ne croyait point que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu » ; car « il ne s’était pas encore humilié, en prenant la forme d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et se faisant reconnaître pour homme par tout ce qui paraissait en lui ( Philipp., II, 6, 7 )  » ? Nous savons en effet que tout ce mystère d’abaissement ne s’est réalisé que par l’enfantement de la Vierge Marie. Comment donc avant cet enfantement le Fils de Dieu a-t-il pu apparaître comme homme ? Mais il n’était pas réellement homme, Cette difficulté m’arrêterait, si un seul homme eût apparu à Abraham, et si cet homme eût été le Fils de Dieu. Mais puisque ce saint patriarche vit trois hommes, et puisque tous trois étaient égaux en beauté, en âge et en pouvoir, pourquoi ne reconnaîtrons-nous pas en eux une figure de l’auguste Trinité, dont les trois personnes, égales en toutes choses, n’ont qu’une seule et même nature ? 21. Peut-être encore voudrions-nous conjecturer que l’un des trois voyageurs était supérieur aux deux autres, et qu’il représentait le Fils de Dieu, accompagné de ses anges, parce qu’Abraham, voyant trois hommes, ne parle qu’à un seul, et le nomme Seigneur. Mais la sainte Ecriture prévient ces pensées tout au moins téméraires, quand elle dit peu après que deux anges vinrent trouver Loth, pour l’arracher à la destruction de Sodome, et que cet homme juste leur parla comme s’il eût parlé à Dieu. Et en effet elle s’exprime ainsi : « Le Seigneur disparut, lorsqu’il eut cessé de parler à Abraham ; et Abraham retourna dans sa demeure ( Gen., XVIII, 33 ).


CHAPITRE XII.

APPARITION FAITE À LOTH.

« Or deux anges arrivèrent sur le soir à Sodome ». Ici, la proposition que je veux établir demande toute notre attention. Nous avons vu qu’Abraham s’adressant à ses trois hôtes, leur parlait comme à un seul qu’il appelait son Seigneur ; et de là on pourrait conclure qu’il en reconnaissait un pour Dieu, et les deux autres pour ses anges. Mais comment accorder cette opinion avec la suite du récit ? « Le Seigneur disparut lorsqu’il eut cessé de parler à Abraham, et Abraham retourna en sa demeure. Or deux anges arrivèrent sur le soir à Sodome ». Est-ce par hasard que celui des trois que le saint patriarche reconnaissait comme Dieu, s’était alors retiré, se contentant d’envoyer ses anges à Sodome ? Eh bien poursuivons la lecture du texte sacré : « Deux anges arrivèrent donc sur le soir à Sodome, et Loth était assis à la porte de la ville. Et dès qu’il les eut vus, il se leva et alla au