Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/388

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devant d’eux, et il adora, s’inclinant vers la terre, et il dit Je vous prie, seigneurs, retirez-vous en la maison de votre serviteur ( Gen., XIX, 1,2. ». Ne ressort-il pas de ce récit que ces anges étaient au nombre de deux, et que Loth les prenant pour des hommes, leur adressait la parole au pluriel, les invitait à accepter ses offres d’hospitalité, et leur donnait par honneur le nom de seigneurs ? 22. Mais voici une nouvelle difficulté. Si Loth n’eût reconnu en eux des anges, « il n’eût point adoré, s’inclinant vers la terre » : et si, d’autre part, il ne les eût pris pour des hommes, il ne leur eût point offert la table et le logement. Cette difficulté, je l’avoue, ne laisse pas que d’être sérieuse, et néanmoins sans la résoudre, je poursuis mon raisonnement. L’Ecriture raconte donc tout d’abord que deux anges arrivèrent à Sodome, que Loth les vit, qu’il leur offrit l’hospitalité, et qu’il leur parla au pluriel jusqu’à ce qu’il eût quitté la ville ; puis elle continue en ces termes « Et après qu’ils l’eurent emmené hors de la ville, ils lui dirent : Sauve ta vie ; ne regarde point derrière toi, et ne t’arrête point dans cette contrée : mais sauve-toi sur la montagne, de peur que tu ne périsses avec les autres. Et Loth leur répondit : Mon Seigneur, je vous prie, puisque votre serviteur a trouvé grâce devant vous », et le reste ( XIX, 1-19 ). Pourquoi donc Loth dit-il aux deux anges : « Je vous prie, Seigneur », si celui qui était Dieu s’était déjà retiré et n’avait laissé que ses anges ? Pourquoi encore ce mot, Seigneur, au singulier, et non au pluriel ? Direz-vous qu’il ne s’adressait qu’à un seul ? mais alors pourquoi l’Ecriture s’exprime-t-elle ainsi : « Loth leur répondit : Mon Seigneur, je vous prie, puisque votre serviteur a trouvé grâce devant vous » ? Evidemment, il est ici question de deux personnes ; et Loth qui leur parle comme à un seul, reconnaît en elles l’unité de nature, et confesse qu’elles ne sont qu’un seul Dieu. Mais quelles sont ces deux personnes ? Le Père et le Fils, ou le Père et l’Esprit-Saint, ou plutôt le Fils et l’Esprit-Saint ? Cette dernière hypothèse me paraît la plus vraisemblable. Car ces deux anges se disent envoyés, ce que nous disons également du Fils et du Saint-Esprit, tandis que jamais l’Ecriture ne l’affirme du Père.


CHAPITRE XIII.

LE BUISSON ARDENT.

23. Voici maintenant en quels termes le livre de l’Exode raconte l’apparition du Seigneur à Moïse, lorsque celui-ci fut envoyé au peuple d’Israël pour le faire sortir de l’Égypte. « Moïse paissait les brebis de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madian ; et, un jour qu’il avait conduit le troupeau dans le fond du désert, il vint à la montagne de Dieu, à Horeb. Et l’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un feu qui sortait du milieu d’un buisson ; et Moïse voyait que le buisson brûlait et ne se consumait point. Moïse dit donc : « J’irai et je verrai cette grande vision, pourquoi le buisson ne se consume point. Mais le Seigneur voyant qu’il venait pour regarder, l’appela du milieu du buisson et lui dit : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ( Exod., III, 1.6 ) ». Ici le personnage qui apparaît, est d’abord nommé ange, et puis Dieu. Est-ce qu’un ange peut être le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? Non sans doute ; aussi peut-on reconnaître dans cet ange le Sauveur Jésus, dont l’Apôtre a dit : « qu’il est sorti des patriarches selon la chair, et qu’il est le Dieu au-dessus de toutes choses, et béni dans tous les siècles ( Rom., III, 1-6 ) ». Celui donc qui est le Dieu béni dans tous les siècles, peut bien, sans difficulté aucune, se nommer le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais pourquoi l’écrivain sacré parle-t-il d’un ange, lorsque la flamme du buisson apparut à Moïse ? C’est que peut-être un esprit céleste représentait effectivement la personne de Dieu ; ou bien était-ce une créature quelconque qui se montrait visiblement, et se faisait entendre distinctement, afin de manifester par ces signes sensibles la présence invisible du Seigneur ? Mais si c’était un ange, qui pourrait sans témérité affirmer qu’il représentait la personne du Fils à l’exclusion de celle du Saint-Esprit, ou du Père ? ou plutôt n’était-ce pas cette Trinité, qui est un seul Dieu, qui disait : « Je suis « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu « de Jacob ? » Et en effet, celui qui ne serait pas Dieu, ne saurait être le Dieu de ces illustres patriarches. Mais ce n’est pas seulement le Père qui est Dieu, comme en conviennent tous les hérétiques, c’est encore le Fils dont ils sont forcés, bon gré, mal gré, de