Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/390

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Dieu d’Israël, et sous ses pieds comme un ouvrage de saphir, et comme le ciel lorsqu’il est serein ( Exod., XXIV, 10 ) ». Mais faut-il en conclure que le Verbe qui est la Sagesse de Dieu s’est circonscrit substantiellement dans un certain espace, lui qui « atteint d’une extrémité à l’autre avec force, et qui dispose toutes choses avec douceur ( Sag., VIII, 1 ) ». Ainsi le Verbe divin, par qui tout a été fait, serait soumis au changement, et selon les circonstances se dilaterait et se resserrerait ! Ah ! plaise au Seigneur de ne jamais permettre que de telles pensées souillent le cœur de ses enfants ! Mais, comme je l’ai dit souvent, tous ces différents prodiges se réalisèrent au moyen de créatures visibles et sensibles qui annonçaient la présence du Dieu invisible et spirituel. Or, ce Dieu est la Trinité entière, Père, Fils et Saint-Esprit, Trinité « de laquelle, en laquelle et par laquelle sont toutes choses. Car les perfections invisibles de Dieu, aussi bien que son éternelle puissance, sont devenues visibles depuis la création du monde par ce qui a été fait ( Rom., XI, 36, I, 20 ). » 26. Cependant, en ce qui concerne la question qui nous occupe en ce moment, je ne saurais déterminer, si c’était la Trinité entière, ou bien une seule des trois personnes divines qui se fit alors entendre au milieu des effrayants prodiges qui s’accomplissaient sur le mont Sinaï. Néanmoins, il est permis de conjecturer avec modestie et avec réserve, qu’ici l’action de l’Esprit-Saint se révèle tout spécialement. Car il est dit que le Seigneur écrivit de son doigt la loi sur deux tables de pierre. Or, dans l’Evangile, le Saint-Esprit est appelé le doigt de Dieu ( Exod., XXXI, 18 ; Luc, XI, 20 ). De plus, cinquante jours sont comptés depuis l’immolation de l’agneau et la célébration de la pique jusqu’à la promulgation de la loi sur le Sinaï ; et de même cinquante jours après la résurrection de Jésus-Christ, l’Esprit-Saint, qu’il avait promis descendit sur les apôtres. Nous lisons encore au livre des Actes, que cet Esprit divin parut sous la forme de langues de feu, qui se divisèrent et se reposèrent sur la tête de chacun des apôtres ( Act., II, 1-4 ). Mais n’est-ce pas aussi ce que nous raconte l’écrivain sacré ? « Tout le mont Sinaï », dit-il, « fumait, parce que le Seigneur y était descendu au milieu du feu : et l’aspect de la gloire du Seigneur était au sommet de la montagne comme un feu ardent devant les yeux des enfants d’Israël ( Exod., XIX, 18, XXI, 16 ) ». Peut-être aussi ces divers signes marquaient-ils seulement que le Saint-Esprit, qui devait écrire la loi, apparaissait sur la montagne conjointement avec le Père et le Fils. Au reste, il est bien entendu que Dieu, qui est de sa nature invisible et immuable, ne se montra alors que sous les dehors d’une créature visible et matérielle. Toutefois, je ne saurais à mon point de vue, préciser quelle fut celle des trois personnes divines qui apparut.


CHAPITRE XVI.

COMMENT MOÏSE A-T-IL VU DIEU.


27. Le passage suivant du même livre de l’Exode ne laisse pas aussi d’embarrasser quelques esprits : « Le Seigneur parlait à Moïse face à face, comme un homme parle à son ami ». Et de son côté, Moïse lui disait : « Maintenant donc, si j’ai trouvé grâce devant vous, faites que je vous voie et que je vous connaisse, et que je trouve grâce devant vos yeux, afin que je sache que cette multitude est votre peuple » Peu après, il dit encore à Dieu : « Je vous supplie de me faire voir votre gloire ( Exod., XXXIII, 11, 13, 18 ) » Eh quoi ! dans les diverses apparitions que j’ai rapportées, quelques-uns ont cru faussement que l’essence divine se rendait visible, et que le Fils de Dieu se manifestait par lui - même et non par l’intermédiaire des créatures ; et quant à ce qui est dit de Moïse qu’il entra dans la nuée, ils l’ont expliqué en ce sens, qu’à l’extérieur le peuple n’apercevait qu’une nuée ténébreuse, tandis qu’au dedans de cette même nuée, Moïse contemplait la face du Seigneur et entendait sa parole ? C’est le témoignage de l’écrivain sacré, qui dit « que le Seigneur parla à Moïse face à face, et comme un ami parle à son ami ». Mais voilà que ce même Moïse dit au Seigneur : « Si j’ai trouvé grâce devant vous, faites que je vous voie manifestement ». Il comprenait donc qu’il n’avait sous les yeux qu’une image corporelle, et il désirait contempler l’Etre spirituel et invisible. Il est vrai que la parole du Seigneur était douce et familière comme celle d’un ami qui parle à son ami. Mais jamais un homme n’a vu des yeux du corps ni Dieu le Père, ni le Verbe « qui au commencement était avec Dieu, qui était Dieu, et par qui