Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

personne du prophète, et nous rappelons seulement quel est celui dont il est l’interprète. Au reste, souvent l’Ecriture, pour nous mieux faire connaître que l’ange dans ces circonstances parle au nom et en la personne de Dieu, s’exprime ainsi : Le Seigneur a dit. J’en ai ci-dessus rapporté divers exemples. Mais parce que plusieurs s’obstinent à voir dans l’ange que nomme ici l’Ecriture, le Fils de Dieu, que les prophètes par l’ordre de son Père, et par sa propre inspiration, ont appelé l’Ange du grand conseil, j’ai voulu transcrire ici le passage de l’épître aux Hébreux où l’Apôtre dit expressément que la loi fut donnée par les anges, et non par un ange. 24. Saint Etienne, dans le livre des Actes, ne s’exprime pas autrement que l’écrivain du Pentateuque. « Ecoutez, dit-il, mes frères et mes pères : le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham quand il était en Mésopotamie ( Act., VII, 2) ». Et de peur qu’on ne s’imaginât qu’en disant : « le Dieu de gloire », il voulût affirmer qu’alors le Seigneur s’était montré en son essence divine aux regards d’un homme, il a bien soin d’ajouter ensuite que ce fut un ange qui apparut à Moïse. « Moïse, dit-il, s’enfuit à cette parole, et il devint étranger en la terre de Madian, où il eut deux fils. Quarante ans accomplis, l’ange lui apparut au désert de la montagne de Sina, dans la flamme du feu d’un buisson. Et Moïse à cet aspect admira cette vision ; et comme il approchait pour considérer, la voix du Seigneur se fit entendre à lui, disant : Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Et Moïse tremblant n’osait regarder. Or le Seigneur lui dit : Délie ta chaussure, car le lieu où tu es, est une terre sainte (Act., VII, 29-33 ) ». Certes ici, comme dans la Genèse, l’ange est appelé Seigneur, et même Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob. 25. Direz-vous peut-être qu’à la vérité Dieu apparut à Moïse en la personne d’un ange, mais qu’il se montra en son essence à Abraham ? Eh bien ! laissons de côté saint Etienne, et interrogeons le livre d’où il a pris son récit. N’y lisons-nous pas « que le Seigneur Dieu dit à Abraham » ; et encore : « que le Seigneur Dieu apparut à Abraham (Gen., XII, 1, XVII, 1 ) ? Sans doute, il n’est pas fait ici mention de plusieurs anges ; mais allons un peu plus loin ; que nous dit l’écrivain sacré ? « Or, le Seigneur apparut à Abraham assis à l’entrée de sa tente, à l’heure de midi, et comme il levait les yeux, trois hommes parurent debout près de lui (Gen., XVIII, 1,2 ) ». J’ai déjà parlé de ces trois hommes ; c’est pourquoi je ne poserai qu’une seule question à ceux qui s’attachent à la lettre du texte sacré sans en comprendre le sens, ou qui, tout en le comprenant, chicanent sur les mots. Je leur demanderai donc comment Dieu eût pu apparaître en la personne de ces trois hommes, s’ils n’eussent été des anges, comme le prouve la suite du récit ? Mais parce qu’il n’est pas dit : un ange lui parla, ou lui apparut, oseront-ils dire qu’à la vérité Moïse vit et entendit un ange, puisque l’Ecriture le marque expressément, tandis qu’Abraham vit réellement l’essence divine et entendit la voix de Dieu, puisque l’écrivain sacré n’affirme pas le contraire ? Eh bien ! est-il vrai que l’Ecriture ne fasse mention d’aucun ange dans les diverses visions qu’eut Abraham ? Lorsqu’elle raconte le sacrifice d’Isaac, ne s’exprime-t-elle pas ainsi : « Dieu éprouva Abraham, et lui dit : Abraham, Abraham ? Abraham répondit : Me voici. Et Dieu lui dit : Prends ton fils unique que tu chéris, Isaac, et va dans la terre de vision ; et là tu l’offriras en holocauste sur une des montagnes que je te montrerai (Gen., XXII, 1,2 ). » Certes, c’est bien de Dieu qu’il est ici parlé, et non d’un ange. Cependant, peu après, l’écrivain sacré continue en ces termes : « Or, Abraham étendant la main, saisit le glaive pour immoler son fils, et voilà qu’un ange « du Seigneur l’appela du haut des cieux, et lui dit : Abraham, Abraham. Lequel répondit : Me voici. Et l’ange dit : N’étends pas la main sur l’enfant, et ne lui fais aucun mal ». Qu’objecter contre un passage aussi formel ? Dira-t-on que Dieu avait ordonné l’immolation d’Isaac, et qu’un ange vint s’y opposer ? Mais alors Abraham eût désobéi à l’ordre du Seigneur pour se conformer à la défense de l’ange. N’est-ce pas tout ensemble risible et ridicule ? Au reste, l’Ecriture ne nous permet même pas cette grossière et absurde interprétation, car elle ajoute aussitôt : « Je sais maintenant que tu crains Dieu, puisque tu n’as pas épargné ton fils unique, à cause de moi ». Or, ce mot, à cause de moi, indique la personne qui avait commandé le sacrifice, et ainsi l’ange est le Dieu d’Abraham,