Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/409

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ou plutôt c’est Dieu en la personne de l’ange. Mais poursuivons le récit sacré ; il est bien digne de notre attention, et nous y trouverons une mention expresse de l’ange. « Abraham levant les yeux, vit derrière lui un bélier embarrassé par les cornes dans un buisson ; et il le prit, et l’offrit en holocauste pour son fils. Et il appela ce lieu d’un nom qui signifie, le Seigneur voit. C’est pourquoi on dit encore aujourd’hui : Le Seigneur verra sur la montagne ». Et de même, un peu auparavant, le Seigneur avait dit par la bouche de l’ange : « Je sais maintenant que tu crains Dieu ». Ce n’est pas, toutefois, qu’il faille par là entendre que jusqu’à ce moment Dieu ignorât les dispositions d’Abraham. Seulement alors, Abraham eut conscience des sentiments héroïques de son cœur, sentiments qui le portèrent jusqu’à immoler son fils unique. Au reste, ce n’est ici qu’une manière de parler, selon laquelle la cause est mise pour l’effet. Ainsi nous disons que le froid est paresseux, pour signifier qu’il nous rend lents et paresseux. Lors donc que l’Ecriture dit que le Seigneur connut, elle veut dire qu’il donna occasion à Abraham de connaître la fermeté de sa foi. Or, sans cette épreuve, il l’eût ignorée. C’est encore dans le même sens qu’Abraham « appela ce lieu d’un nom qui signifie, le Seigneur voit » ; c’est-à-dire, où il se laisse voir. Et en effet, l’écrivain sacré ajoute, « qu’aujourd’hui encore on dit : Le Seigneur verra sur la montagne ». Pourquoi donc le même ange est-il nommé le Seigneur, si ce n’est parce qu’il représentait le Seigneur ? Bien plus, dans les versets suivants, cet ange énonce une prophétie, et atteste ainsi que Dieu parlait par sa bouche : « Et l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham du haut du ciel, disant : J’ai juré par moi-même, dit le Seigneur : parce que tu as fait cela, et que tu n’as pas épargné ton fils unique à cause de moi, je te bénirai, et je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel (Gen., XXII, 15, 17 ) ». Certes, il y a ici un rapport frappant entre l’ange qui parle au nom du Seigneur et les prophètes qui s’expriment ainsi : « Le Seigneur a dit ». Mais enfin pourquoi ne serait-ce pas Dieu le Fils qui dirait au nom de son Père : « Le Seigneur a dit » ; et qui serait son ange ou son envoyé ? Oui, sans doute, s’il ne se présentait soudain une difficulté inextricable en la personne des trois hommes que vit Abraham, et au sujet desquels il est dit « que le Seigneur apparut à Abraham ». Mais peut-être n’étaient-ils pas des anges, parce que l’Ecriture les appelle des hommes ? Eh ! lisez Daniel qui nous dit : « Voilà que l’ange Gabriel m’apparut sous une forme humaine (Dan., IX, 21 ) ». 26. Mais que tardons-nous à contraindre nos adversaires à un silence absolu par un nouvel argument plus formel encore et plus grave ? Car ici il ne s’agit plus d’un ange, nommé séparément, ni de trois hommes pris collectivement ; mais ce sont des anges qu’on nous représente comme les interprètes de Dieu dans la promulgation solennelle de la loi. Or, quel catholique ne sait que le Seigneur donna cette loi à Moïse par le ministère des anges, pour qu’il y assujettît les enfants d’Israël ? Eh bien ! voici comme parle saint Etienne : « Hommes à la tête dure, incirconcis de cœur et d’oreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit ; et il en est de vous comme de vos pères. Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils point persécuté ? Ils ont tué ceux qui ont prédit l’avènement du Juste, que maintenant vous avez trahi et mis à mort. Vous avez reçu sa loi par le ministère des anges, et vous ne l’avez point gardée ( Act., VII, 51-53 ) ». Où trouver un témoignage plus évident, et une autorité plus péremptoire ? La loi mosaïque a donc été donnée au peuple Juif par le ministère des anges, mais elle annonçait l’avènement du Sauveur Jésus, et y préparait le monde. Aussi est-il vrai de dire que le Verbe de Dieu se faisait mystérieusement apercevoir en la personne des anges qui promulguaient cette loi. C’est pourquoi Jésus-Christ lui-même disait aux Juifs : « Si vous croyiez à Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est de moi qu’il a écrit (Jean, V, 46 ) ». Ainsi le Seigneur déclarait ses volontés par le ministère des anges ; et c’est par ces mêmes anges que le Fils de Dieu, qui devait un jour naître de la race d’Abraham, et se poser comme médiateur entre Dieu et les hommes, disposait le monde a son avènement. Il se préparait dès lors des âmes qui le recevraient, en se reconnaissant coupables de n’avoir pas observé la loi. Aussi l’Apôtre écrit-il aux Galates : « A quoi donc a servi la loi ? Elle a été établie à cause des transgressions jusqu’à