Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/427

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fut arrivée, Dieu envoya son Fils formé d’une femme, et assujetti à la loi (Gal., IV, 4.) ». Ainsi le Fils de Dieu s’est abaissé jusqu’à être formé, et il a été envoyé dans le monde, puisqu’ il a été assujetti à la loi. Mais s’il n’appartient qu’à un supérieur d’envoyer un inférieur, nous devons ici avouer que le Fils de Dieu est inférieur à Dieu le Père. Il lui est même d’autant plus inférieur qu’il a été formé d’une femme et qu’il a été assujetti à la loi. Oui, ce Fils que Dieu a envoyé, et qui a été formé d’une femme, est le même par qui toutes choses ont été faites. Il existait avant que d’être envoyé et formé d’une femme, et nous le reconnaissons égal au Père qui l’envoie. Toutefois sous ce dernier rapport nous n’hésitons pas à dire qu’il lui est inférieur. Mais comment les patriarches et les prophètes ont-ils pu le voir par le ministère des anges avant que fût arrivée cette plénitude des temps où il devait être envoyé, puisque même après son avènement en la chair, il n’était point connu comme égal à son Père ? Et en effet saint Philippe, comme tous les autres, et comme les bourreaux eux-mêmes qui crucifièrent Jésus-Christ, le voyait en sa chair, et néanmoins il dit à ses apôtres : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père ». Le Fils de Dieu était donc vu, et il n’était pas vu. Il était vu en tant qu’il était envoyé et formé d’une femme, et il n’était pas vu en tant qu’il était le Verbe par qui toutes choses ont été faites. Il disait encore : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime. Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; je l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui (Jean, XIV, 9, 21) ». Mais comment eût-il pu tenir ce langage lorsqu’il se montrait comme homme à tous les regards, si sous les dehors de la chair il n’eût présenté à la foi ce même Verbe qui dans la plénitude des temps avait été formé de la femme ? Quant à la divinité de ce Verbe par qui toutes choses ont été faites, il la réserve pour être dans l’éternité la vision de l’âme purifiée par la foi. CHAPITRE XX. MISSION DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT.

27. Et maintenant, si nous voulons dire qui le Fils a été envoyé par le Père, en ce sens que l’un est Père et que l’autre est Fils, rien mie peut s’opposer à ce que nous reconnaissions le Fils consubstantiel et coéternel au Père, quoiqu’il en ait reçu sa mission. Dans le dogme catholique le Père n’est point supérieur au Fils, et le Fils n’est point inférieur au Père ; mais l’un est principe générateur et l’autre est engendré ; le Fils est envoyé par Celui qui l’engendre, et le Père envoie Celui à qui il communique l’être. Et en effet, le Fils procède du Père, et non le Père du Fils. Aussi est-il facile de comprendre qu’on puisse dire que le Fils a été envoyé, non parce que le Verbe s’est fait chair, mais pour qu’il se fît chair, et qu’en prenant la nature il accomplît les oracles de l’Ecriture. Dans ce sens le Fils de Dieu n’est pas seulement envoyé comme homme, le Verbe même est envoyé pour se faire homme. En effet le Fils est dit envoyé, non parce qu’il est inférieur au Père en puissance et en nature, ou parce qu’il lui est inégal en quelque chose, mais parce que comme Fils il est engendré du Père, tandis que le Père ne procède point du Fils. Au reste le Verbe ou le Fils de Dieu est aussi appelé sa Sagesse. Est-il donc étonnant qu’il soit envoyé non comme inégal au Père, mais comme « une parfaite émanation de la clarté du Tout-Puissant (Sag., VII, 25 ) » ? Or ici le rayon qui émane et le foyer d’où il se répand sont de la même nature, car ce n’est point une source d’eau vive qui jaillit des veines de la terre, ou des flancs d’un rocher, mais une lumière qui s’échappe du sein de la lumière. Aussi lorsque nous disons que le Verbe « est la splendeur de la lumière éternelle », voulons-nous signifier qu’il est lumière de lumière éternelle. Car la splendeur de la lumière n’est pas autre que la lumière elle-même. C’est pourquoi elle est coéternelle à la lumière dont elle est la splendeur. Seulement l’auteur sacré a dit plutôt splendeur de lumière que lumière de lumière, afin qu’on ne crût pas qu’il supposait quelque infériorité entre la lumière et le rayon qui s’en échappe. Et en effet, dès que celui-ci est la splendeur de la lumière, il devient plus facile d’admettre qu’il lui doit son éclat que de supposer qu’il lui soit inférieur. Cependant il n’était pas à craindre que l’on en vînt à regarder la lumière comme moindre que le rayon qu’elle engendre, car