Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/428

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jusqu’ici aucun hérétique n’a avancé un tel paradoxe, et il est probable que jamais on n’osera le faire. Mais parce que nous pourrions peut-être penser que le rayon est moins éclatant que la lumière qui le produit, l’Ecriture prévient cette objection, et dissipe tous nos doutes en disant que le Verbe est la splendeur du Père, c’est-à-dire de la lumière éternelle. Elle affirme ainsi l’égalité parfaite du Père et du Fils. Supposons en effet que le rayon soit inférieur à la lumière, il en sera l’obscurcissement et non la splendeur. Si au contraire il lui est supérieur, comment pourrait-il en être la production, puisqu’alors l’effet serait plus grand que la cause ? Mais parce que le Verbe est le rayon qui émane de la lumière éternelle, il ne lui est pas supérieur, et parce qu’il en est la splendeur et non l’obscurcissement, il ne lui est pas inférieur ; donc il lui est égal. Au reste, ne nous troublons point en lisant que la sagesse divine est « une émanation de la clarté du Tout-Puissant », car presque immédiatement il est dit « qu’elle est unique et qu’elle peut tout (Sag., VII, 25-27 ) ». Or, qui est le Tout-Puissant, si ce n’est Celui qui peut tout ? Ainsi la Sagesse divine est envoyée par le Père de qui elle émane. C’est ce que reconnaît Salomon dans la prière suivante qu’il adressait au Seigneur. Epris d’amour pour cette Sagesse, et désireux de la posséder, il s’écriait « Envoyez-là du ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre grandeur, afin qu’elle soit avec moi, et qu’elle agisse avec moi (Id., IX, 10 ) ». C’est-à-dire afin qu’elle m’enseigne à travailler utilement, car sans elle les travaux de l’homme sont stériles et infructueux, tandis qu’avec elle ils deviennent féconds en vertus et en bonnes œuvres. Toutefois l’envoi ou la mission de la Sagesse divine est bien différente selon qu’elle est envoyée à l’homme ou qu’elle-même se fait homme. C’est elle en effet qui « se répand dans les âmes saintes, qui fait les amis de Dieu et les prophètes (Id., VII, 27 ) », qui remplit les esprits célestes, et qui les emploie de la manière la plus convenable à l’exécution de ses volontés. Mais quand la plénitude des temps fut arrivée, cette même Sagesse descendit sur la terre, non pour remplir les anges, ni devenir elle-même un ange, si ce n’est en ce sens que le Verbe nous a révélé les conseils éternels du Père, qui sont aussi ses propres conseils. Ce n’était pas non plus pour converser avec les hommes, ni s’épancher en eux, comme déjà, elle l’avait fait à l’égard des patriarches et des prophètes ; mais c’était pour prendre la nature humaine, en sorte que le Verbe divin devînt Fils de l’homme. Tel est ce mystère de l’Incarnation dont la révélation, avant même qu’elle se réalisât dans le sein virginal de Marie, a été le principe du salut pour les saints et les justes qui ont vécu sous l’Ancien Testament, et qui sont nés de la femme. Et aujourd’hui encore ce même mystère accompli et publié dans l’univers entier, est la sanctification de tous ceux qui en font l’objet de leur foi, de leur espérance et de leur amour. Il est en effet « ce grand sacrement d’amour qui s’est montré dans la chair, qui a été autorisé par l’Esprit, manifesté aux anges, prêché aux nations, cru dans le monde et élevé dans la gloire (I Tim., III, 16 ) ». 28. Le Verbe de Dieu est donc envoyé par Celui dont il est le Verbe ; et le Fils est envoyé par le Père qui l’a engendré ; ainsi encore le Père qui engendre, envoie, et le Fils qui est engendré, est envoyé. Bien plus, ce même Verbe est envoyé à tout homme qui le connaît et qui le comprend, du moins, autant que notre esprit peut le connaître et le comprendre en raison de ses progrès et de son avancement dans les voies spirituelles. Il ne serait pas exact de dire que le Fils est envoyé, en tant qu’il est engendré du Père, mais en tant qu’il a paru dans le monde revêtu de la nature humaine. C’est en ce sens qu’il a dit lui-même : « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu dans le monde (Jean, XVI, 28 ) ». On peut aussi affirmer que le Verbe multiplie dans le temps sa mission céleste, toutes les fois que notre esprit le perçoit, selon cette parole de Salomon : « Envoyez, Seigneur, votre Sagesse, ci afin qu’elle soit avec moi et qu’elle travaille avec moi ». Car le Verbe qui est engendré de toute éternité, est lui-même éternel, puisqu’il est « la splendeur de la lumière éternelle ». Nous disons au contraire qu’il est envoyé dans le temps, parce qu’il s’est fait connaître aux hommes ; aussi cette mission du Fils de Dieu ne s’est-elle véritablement réalisée que le jour où, dans la plénitude des temps, il naquit de la femme et se montra en la, nature humaine. « En effet, le monde avec sa propre sagesse n’ayant pu connaître la sagesse de