Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/429

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Dieu, parce que la lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne la reçoivent pas, il a plu à Dieu de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiraient en lui ». C’est pourquoi « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous ( I Cor., I, 21 ; Jean, I, 5, 14 ) ». Cependant lorsque ce même Verbe est perçu dans le temps par notre intelligence, on peut bien dire tout ensemble qu’il est envoyé, et qu’il n’est pas envoyé dans le monde, car il ne se montre point à nous sous une forme sensible ; c’est-à-dire qu’il n’est point aperçu des yeux du corps. C’est ainsi que nous-mêmes ne sommes plus en quelque sorte dans le monde, quand notre intelligence s’abîme, autant qu’elle le peut, dans les profondeurs de l’éternité. C’est encore dans le même sens que les justes ici-bas, quoique vivant en la chair, ne sont plus du monde, parce que leur esprit est tout absorbé dans les choses divines. Cependant, nous ne disons point que le Père soit envoyé, quoique dans le temps il se révèle aux hommes. La raison est qu’il est à lui-même son propre principe, et qu’il ne procède d’aucune autre personne divine. Tout au contraire la Sagesse, ou le Verbe dit : « Je suis sorti de la bouche du Très-Haut » ; et il est dit de l’Esprit-Saint « qu’il procède du Père (Eccli. XXIV, 5 ; Jean, XV, 26 ) ». Mais le Père ne procède d’aucune de ces deux personnes. 29. Ainsi le Père engendre et le Fils est engendré ; et de même le Père envoie et le Fils est envoyé. Mais ici celui qui engendre et celui qui est engendré, celui qui envoie et celui qui est envoyé ne sont qu’un, parce que le Père et le Fils ne sont qu’un (Jean, X, 30 ). Ainsi encore le Saint-Esprit est un avec le Père et le Fils, parce que les trois personnes divines ne sont qu’un seul et même Dieu. Nous disons également que le Fils est né du Père, parce qu’il a été engendré du Père, et qu’il a été envoyé par le Père, parce qu’il nous a fait connaître le Père ; de même le propre de l’Esprit-Saint est qu’il procède du Père, et il est dit envoyé par le Père, lorsqu’il nous fait connaître celui dont il procède. Toutefois il serait inexact d’affirmer que l’Esprit-Saint ne procède point du Fils, puisqu’il est appelé dans l’Ecriture l’Esprit du Fils, non moins que l’Esprit du Père. C’est d’ailleurs ce que Jésus-Christ lui-même voulut nous faire entendre, quand il souffla sur ses apôtres, leur disant : « Recevez le Saint-Esprit (Jean, XX, 22 ) ». Car ce souffle matériel et sensible qui des lèvres du Sauveur se répandit sur le visage des apôtres, n’était point la personne même du Saint-Esprit ; et nous ne devons y voir qu’un signe exprimant que cet Esprit divin procède également du Fils, comme du Père. Et en effet, qui serait assez insensé pour avancer que l’Esprit-Saint, qu’ici Jésus-Christ donne en soufflant sur ses apôtres, n’est pas le même que celui qu’il leur envoya après son ascension ? Car il n’y a qu’un seul Esprit de Dieu, qui est l’Esprit du Père et du Fils ; et c’est cet Esprit divin qui opère toutes choses en tous (I Cor., XII, 6 ). Quant au mystère de ces deux missions, j’en dirai plus tard quelque chose, selon que Dieu me l’inspirera : mais pour le moment, il suffit d’observer que Jésus-Christ, en disant : « L’Esprit que je vous enverrai de la part du Père ( Jean, XV, 26 ) », veut prouver à ses apôtres que cet Esprit procède du Fils non moins que du Père. Précédemment il leur avait dit que « le Père l’enverrait au nom du Fils ( Id., XIV, 26 ) ». Mais il n’avait point dit que ce serait de la part du Fils, comme il avait dit qu’il l’enverrait, lui, « de la part du Père ». Ainsi faisait-il entendre que le Père est dans les deux autres personnes divines le principe de la divinité, ou, si l’on aime mieux, de la déité. Ainsi l’Esprit-Saint, qui procède du Père et du Fils, a pour principe le Père par qui le Fils est engendré : et quant à cette parole de l’Evangéliste : « Le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié ( Id., VII, 39 ) », elle signifie seulement que cette mission, ou envoi de l’Esprit-Saint, qui s’opérerait après la glorification du Christ, serait plus éclatante que celles qui déjà avaient eu lieu. Et en effet, l’Esprit-Saint avant cette solennelle effusion, était souvent communiqué aux hommes, mais non de la même manière. Car, dites-moi au nom de qui les prophètes ont-ils parlé, s’ils n’ont point reçu ce divin Esprit ? Aussi, l’Ecriture dit souvent et expressément qu’ils ont parlé par l’inspiration du Saint-Esprit. Elle l’assure spécialement de Jean-Baptiste, dont elle dit « qu’il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère » ; et parce que Zacharie, son père, fut également rempli du même Esprit, il prophétisa l’avenir du saint précurseur. C’est encore par