Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/438

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grandeur n’est pas la chose même qui est grande, en sorte que la maison, si grande qu’elle soit, n’est pas la grandeur elle-même. Nous concevons en effet la grandeur comme indépendante soit de la maison, ou de la montagne que nous nommons grandes, soit de tout autre objet auquel nous appliquons une idée et un~ relation de grandeur. Ainsi la grandeur est autre que les objets qui lui empruntent leur grandeur ; et cette grandeur, principe premier de toute grandeur, surpasse excellemment tous les sujets sur lesquels elle se réfléchit. Or, Dieu n’est point grand d’une grandeur qui ne lui appartienne point en propre, en sorte qu’il soit obligé de lui emprunter celle dont il jouit. Autrement nous concevrions la grandeur comme étant au-dessus de Dieu, tandis qu’il est l’Etre premier et souverain. Donc Dieu n’est grand que parce qu’il possède par lui-même toute grandeur. C’est pourquoi nous ne disons point qu’il y a en lui trois grandeurs, pas plus que nous n’affirmons en lui trois substances. Car Dieu est grand par cela seul qu’il est Dieu. Et de même nous ne disons point que les trois personnes divines sont trois êtres souverainement grands, mais un seul et même Dieu souverainement grand, parce que Dieu n’est point grand d’une grandeur étrangère et empruntée, mais qu’il est grand par lui-même, et qu’il est lui-même le principe unique de sa grandeur. Nous tenons également le même langage quand nous parlons de la bonté, de l’éternité et de la toute-puissance de Dieu, et en général de tous les attributs qui se rapportent à la nature divine, et qui sont exprimés dans un sens propre et direct, et non point dans un sens accommodatif et métaphorique. Mais que peut exprimer la parole de l’homme, lorsqu’elle veut expliquer l’essence même de Dieu ?


CHAPITRE XI.

DES RELATIONS DIVINES.

12. S’agit-il au contraire des opérations propres à chacune des trois personnes divines, nous disons qu’ici ces opérations ne touchent pas à la nature même de Dieu, et qu’elles n’affectent que les relations des trois personnes entre elles, ou leurs rapports avec les créatures. C’est pourquoi il est évident que tout ce qui s’affirme alors de Dieu tombe sur les relations divines, et non sur la nature ou essence divine. Ainsi nous disons des trois personnes de la sainte Trinité qu’elles ne sont qu’un seul et même Dieu, et que ce Dieu unique est grand, bon, éternel et tout-puissant, Nous ajoutons encore qu’il est à lui-même le principe de la divinité, non moins que sa propre grandeur, sa propre bonté, sa propre éternité et sa propre puissance. Mais on ne peut donner à la Trinité entière le nom de Père, si ce n’est peut-être dans un sens relatif aux créatures et à cause de notre adoption divine. Et en effet, cette parole de l’Ecriture : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est seul Seigneur ( Deut., VI, 4 ) », ne doit point s’entendre du Père à l’exclusion du Fils et du Saint-Esprit. Cependant nous pouvons avec raison appeler Père ce Dieu unique, parce qu’il nous engendre par sa grâce à la vie spirituelle. Mais on ne saurait dans aucun sens nommer la sainte Trinité Dieu le Fils. Quant à l’Esprit-Saint, comme il est écrit que « Dieu est Esprit (Jean, IV, 24 ) », il est permis de le faire du moins dans un sens général ; car le Père est Esprit, le Fils est Esprit, et également, le Père est saint, et le Fils est saint. Ainsi parce que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un seul et même Dieu, et que ce Dieu est tout ensemble saint et Esprit, on peut désigner la Trinité tout entière par le mot Esprit-Saint. Néanmoins quand il s’agit spécialement de l’Esprit-Saint comme troisième personne de la sainte Trinité, et non de la Trinité tout entière, nous le nommons Esprit-Saint dans un sens relatif, et par rapport au Père et au Fils, car il est l’Esprit et du Père et du Fils. Cependant il est vrai de dire que ce nom n’exprime point ces relations divines, et qu’elles se montrent bien mieux dans celui « de don de Dieu (Act., VIII, 20 ) ». Il est en effet le don du Père, puisque, selon la parole du Sauveur, « il procède du Père » : et il est également le don du Fils, puisque l’Apôtre nous dit que « celui qui n’a pas l’Esprit de Jésus-Christ n’est plaint à lui (Jean, XV, 26 ; Rom., VIII, 9 ) ». C’est donc relativement aux deux premières personnes de la sainte Trinité que nous nommons la troisième Don de Dieu, quoiqu’elle ne soit pas elle-même étrangère à cette donation. Car nous la considérons comme l’union ineffable du Père et du Fils ; et peut-être n’est-elle appelée Esprit-Saint que parce que ce même nom convient au Père et au Fils. Ainsi le mot