Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/439

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Esprit-Saint désigne spécialement la troisième personne de la sainte Trinité, mais il s’applique aussi aux deux autres, car le Père et le Fils sont tous deux Esprits et tous deux saints. L’Esprit-Saint est donc nommé le Don mutuel du Père et du Fils, afin que ce nom qui convient à l’un et à l’autre, explique par lui-même que dans la Trinité cet Esprit est l’union des deux premières personnes. Mais cette Trinité de personnes ne forme qu’un seul Dieu qui est unique, bon, grand, éternel et tout-puissant ; et qui est à lui-même son unité, sa divinité, sa grandeur, sa bonté, son éternité et sa toute-puissance.


CHAPITRE XII.

PAUVRETÉ DU LANGAGE HUMAIN POUR EXPLIQUER LES RELATIONS DIVINES.

13. Cependant nous ne devons point nous troubler parce que nous ne donnons que dans un sens relatif, le nom d’Esprit-Saint à la troisième personne de la sainte Trinité, et que nous le refusons dans un sens propre et direct à la Trinité entière. C’est que ce nom n’a point de corrélatif dans la langue théologique. Et en effet, nous disons bien le serviteur du maître, et le maître du serviteur, le Fils du Père et le Père du Fils, parce que ces expressions expriment des relations personnelles. Mais ici, un tel langage serait erroné ; nous disons, il est vrai, l’Esprit-Saint du Père, mais nous ne disons pas le Père de l’Esprit-Saint, dans la crainte qu’on entende par là que l’Esprit-Saint est le Fils du Père. C’est ici encore que nous disons l’Esprit-Saint du Fils, et non le Fils de l’Esprit-Saint, pour éviter qu’on ne croie cet Esprit Père du Fils. Au reste, dans un grand nombre de substantifs relatifs, le terme corrélatif manque absolument. Ainsi quoi de plus clair que le mot gage ? il implique toujours l’idée de celui qui le donne, et toujours il est la garantie de la chose à donner. Or, de ce que nous disons que l’Esprit-Saint est le gage du Père et du Fils (Cor., V, 5 ; Eph., I, 14 ), s’ensuit-il que nous puissions dire le Père du gage et le Fils du gage ? Non, sans doute. Lorsque au contraire, nous affirmons que ce même Esprit est le don du Père et du Fils, nous nous interdisons ces autres termes, Père du don, et Fils du don, et nous nous bornons à dire le don du donateur et le donateur du don, parce qu’ici nous trouvons un terme usité, ce qui n’existe pas dans le premier cas.


CHAPITRE XIII.

DANS QUEL SENS LE MOT PRINCIPE SE DIT DE LA TRINITÉ.

14. C’est dans un sens relatif que la première personne de la sainte Trinité est nommée Père et principe ; mais elle est Père par rapport au Fils, et principe par rapport à toutes les créatures. Le même terme s’affirme également du Fils, et en outre ceux de Verbe et d’image ; et parce qu’ils expriment tous la relation du Fils avec le Père, ils ne peuvent s’appliquer à celui-ci. Au reste, que le Fils soit principe, c’est ce qu’il nous apprend lui-même. Car comme les juifs lui disaient : « Qui êtes-vous ? » il répondit : « Je suis le principe, moi qui vous parle (Jean, VIII, 25 ) ». Mais est-ce qu’il serait le principe du Père ? non sans doute : et il ne se dit principe que dans ce sens qu’il est créateur au même titre que le Père. Et en effet celui-ci est appelé principe, parce qu’il est le créateur de tout ce qui existe. Or le terme de créateur a pour corrélatif celui de créature, de même que le mot maître implique celui de serviteur. Toutefois, quoique nous nommions le Père principe, et le Fils principe, nous ne reconnaissons pas dans la création deux principes différents, parce que le Père et le Fils ne sont à cet égard qu’un seul principe, de même qu’ils sont un seul Créateur et un seul Dieu. Mais comme il est vrai que tout être qui, tout en restant ce qu’il est, enfante ou produit au dehors quelque chose, est dit le principe de cette œuvre, nous ne pouvons nier que ce titre n’appartienne également à l’Esprit-Saint. Et en effet nous l’appelons Créateur, et il est dit de lui qu’il opère au dehors sans altération aucune de sa substance, car il ne s’épanche, ni ne s’incarne dans les œuvres qu’il produit. Eh ! que produit-il donc ? Ecoutez l’Apôtre : « Les dons du Saint-Esprit, dit-il, sont distribués à chacun pour l’utilité de l’Église. L’un reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse ; l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science. Un autre reçoit le don de la foi parle même Esprit ; un autre reçoit du même Esprit le don de guérir les maladies ; un autre le don des miracles ;