Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/449

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le Don ». Et comme Hilaire (car c’est lui qui a écrit cela dans ses livres : De la Trinité, liv. 2) est un auteur de grande autorité en fait de commentaires sur les Ecritures et de défense de la foi, après avoir cherché de toutes mes forces à pénétrer le sens caché de ces mots : Père, Image, Don, éternité, beauté, usage, je pense qu’il a simplement entendu dire par le mot d’éternité, que le Père n’a point de père de qui il soit né, mais que le Fils tient l’être du Père et lui est coéternel. En effet, si l’image reproduit parfaitement l’objet dont elle est l’image, c’est elle qui lui est coégale, et non lui à elle. Hilaire a nommé cette image beauté, à cause, je pense, de la beauté qui résulte de cette parfaite convenance, de cette première égalité, de cette première similitude, où il n’y a aucune différence, aucune inégalité, aucune dissemblance, mais où tout répond identiquement à l’être dont elle est l’image ; où est la vie première et souveraine, pour qui vivre et être ne sont pas choses différentes, mais une seule et même chose ; où est l’intelligence première et parfaite, pour qui vivre et comprendre ne sont pas chose différentes, mais où comprendre, vivre et être ne sont qu’une seule et même chose : Verbe parfait, à qui rien ne manque ; moyen d’action, pour ainsi dire, du Dieu tout-puissant et sage, contenant dans sa plénitude la raison immuable de tous les êtres vivants ; en qui tous sont une seule chose, comme elle-même est une seule chose d’une seule chose, avec qui elle ne fait qu’un. Là, Dieu connaît tout ce qu’il a fait par elle, en sorte que quand les temps passent et se succèdent, rien ne passe ni ne se succède dans la science de Dieu. Car ce n’est pas parce que les choses créées sont faites que Dieu les connaît ; mais plutôt elles sont faites et changeantes, parce que Dieu en a la connaissance immuable. Cette ineffable union du Père et de son Image n’est donc pas sans jouissance, sans amour, sans joie. Et c’est cet amour, cette délectation, cette félicité ou béatitude, — si aucune de ces expressions humaines est digne — qu’Hilaire appelle d’un seul mot, Usage, c’est-à-dire : l’Esprit-Saint dans la Trinité, non engendré, mais doux lien de celui qui engendre et de celui qui est engendré, se répandant avec générosité et abondance sur toutes les créatures dans la mesure de leur capacité, afin que chacune soit dans l’ordre et se tienne à sa place. 12. Aussi tous ces êtres, créés par l’art divin, portent en eux un certain cachet d’unité, de beauté et d’ordre. En effet, chacun d’eux est une espèce d’unité, comme par exemple, les natures des corps et les facultés des âmes ; possède un genre de beauté, comme les figures ou les propriétés des corps, les connaissances ou les talents des âmes ; et tend à un certain ordre ou s’y tient, comme le poids ou les situations du corps, et les affections ou les plaisirs des âmes. Il faut donc voir et comprendre le Créateur par ses ouvrages (Rom., I, 20 ) et retrouver dans chaque créature, dans une certaine proportion, les traces de la Trinité. Car c’est dans cette souveraine Trinité qu’est l’origine première de toutes choses, la beauté la plus parfaite, le bonheur le plus complet. Ainsi ces trois personnes semblent se déterminer mutuellement et sont infinies en elles-mêmes. Mais, ici-bas, dans les objets corporels, une chose n’est pas autant que trois, et deux sont plus qu’un, tandis que dans cette souveraine Trinité une personne est autant que trois ensemble, et deux ne sont pas plus qu’une. Et elles sont infinies en elles-mêmes. Ainsi chacune est dans chacune, et toutes sont dans chacune, et chacune est dans toutes, et toutes sont dans toutes, et toutes ne font qu’un. Que celui qui voit cela même imparfaitement, même à travers un miroir et en énigme (I Cor., XIII, 12 ), se réjouisse de connaître Dieu, l’honore comme Dieu et lui rende grâces ; que celui qui ne voit pas, cherche pieusement à voir, et non à rester aveugle pour blasphémer. Car Dieu est un, et pourtant Trinité. Entendons sans confusion ce texte : « De qui, par qui et en qui sont toutes choses ; à lui », et non à plusieurs dieux, « gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il (Rom., XI, 36 ) ».