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LIVRE SEPTIÈME : UNITÉ DE SUBSTANCE.

Argument : Dieu le Père, qui a engendré le Fils, ou la vertu et la sagesse, non-seulement est le Père de la vertu et de la sagesse, mais est lui-même vertu et sagesse, et également le Saint-Esprit. Cependant il n’y a pas trois vertus ou trois sagesses, mais une seule vertu et une seule sagesse, comme il n’y a qu’un Dieu et une essence. Pourquoi les Latins disent-ils une essence et trois personnes, et les Grecs une essence et trois substances ou hypostases ? Ces expressions sont nécessaires pour signifier d’une manière quelconque ce que sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit.



CHAPITRE PREMIER. CHACUNE DES TROIS PERSONNES DE LA TRINITÉ EST-ELLE SAGESSE PAR ELLE-MÊME ? DIFFICULTÉ DE CETTE QUESTION ; MOYEN DE LA RÉSOUDRE.


1. Approfondissons maintenant davantage autant que Dieu nous le donnera, la question dont nous avons différé la solution tout à l’heure, à savoir : si chacune des trois personnes de la Trinité peut, en elle-même, indépendamment des autres, être appelée Dieu grand, sage, vrai, tout-puissant, juste, possédant tous les attributs essentiels et non relatifs ; ou si ces expressions ne doivent s’employer que quand on parle de la Trinité tout entière. Cette question est soulevée par ces mots de l’Apôtre : « Le Christ vertu de Dieu et sagesse de Dieu ( I Cor., I, 24 ) ».Dieu est-il le Père de sa propre sagesse et de sa propre vertu, de manière à être sage de la sagesse qu’il a engendrée, et puissant de la vertu qu’il a engendrée : vertu et sagesse qu’il a toujours engendrées, puisqu’il est toujours puissant et sage ? Car, disions-nous, s’il en est ainsi, pourquoi ne serait-il pas le Père de la grandeur par laquelle il est grand, de la bonté par laquelle il est bon, de la justice par laquelle il est juste, et ainsi des autres attributs ? Que si toutes ces choses exprimées par des noms divers sont renfermées dans la même sagesse et la même vertu, en sorte que la grandeur soit la même chose que la vertu, la bonté la même chose que la sagesse. et aussi la sagesse la même chose que la vertu comme nous l’avons déjà dit, souvenons-nom alors que, quand nous nommons un de ces attributs, c’est comme si nous les nommions tous.

On demande donc si le Père, pris en parti culier, est sage, s’il est à lui-même sa propre sagesse, ou s’il est sage seulement quand il parle : car il parle par le Verbe qu’il a engendré, non d’une parole qui se prononce, fait entendre un son et passe, mais de celle, dont il est dit que le Verbe était en Dieu, que le Verbe était Dieu et que par lui tout a été fait (1 Jean, I, 1, 3) ; Verbe égal à lui et par lequel il s’exprime lui-même toujours et sans changement. Car il n’est pas Verbe lui-même, pas plus qu’il n’est Fils, ni image. Or, quand il parle, — nous exceptons ici le langage temporel que Dieu a fait entendre à la créature, langage qui bruit et passe ; quand il parle, dis-je, par ce Verbe coéternel, il ne doit pas être supposé seul, mais bien avec le Verbe hi-même, sans lequel il ne parlerait certainement pas. Mais est-il sage seulement parce qu’il parle, de manière à être sagesse comme son Verbe ? Et être Verbe, et être sagesse, est-ce la même chose ? En peut-on dire autant de la vertu, tellement que vertu, sagesse et Verbe soient la même chose, et que ces expressions soient seulement relatives, comme les mots Fils et image ; de sorte que le Père pris en particulier, ne soit pas puissant ou sage, mais seulement avec la vertu et la sagesse qu’il a engendrées, tout comme il ne parle pas seul, mais par le Verbe et avec le Verbe qu’il a engendré ; et ainsi n’est-il grand que de la grandeur et avec la grandeur qu’il a engendrée ? et s’il n’est pas grand par autre raison qu’il est Dieu, s’il n’est grand que parce qu’il est Dieu, vu que être grand et être Dieu sont pour lui la même chose ; il s’ensuit que, pris en particulier, il n’est pas Dieu, mais seulement par et avec la divinité qu’il a engendrée, de telle sorte que le Fils est la divinité du Père, comme il est la sagesse et la vertu du Père, comme il est le Verbe et l’image du Père. Et comme être et être Dieu sont pour lui la même chose, ainsi le Fils est aussi l’essence du Père, comme il est son Verbe et son image. Par conséquent encore, excepté sa qualité de Père, le Père n’est quelque chose que parce qu’il a un Fils, en sorte que non-seulement en tant que Père, — et il est évident qu’il ne l’est point par