Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/459

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Cependant, si l’espèce homme se subdivise en Abraham, Isaac et Jacob, un seul homme ne peut pas se subdiviser en plusieurs hommes ; cela est tout à fait impossible, puisqu’un seul homme est un homme indivisible.

Pourquoi donc une seule essence se subdivise-t-elle en trois substances ou personnes ? Car si l’essence est espèce, dans l’homme par exemple, il n’y a qu’une essence là où il n’y a qu’un seul homme. Serait-ce que comme nous disons de trois hommes ayant le même sexe, le même tempérament, le même caractère, qu’ils n’ont qu’une seule nature ; en effet, ce sont trois hommes, et leur nature est une ; — de même nous disons ici que trois substances sont une seule essence, ou que trois personnes sont une seule substance ou essence ? Sans doute il y a là une analogie quelconque : car les anciens auteurs latins, ne connaissant pas ces mots d’essence ou de substance, qui sont d’origine récente, y substituaient celui de nature. Nous ne parlons donc pas ici d’après le genre et les espèces, mais, pour ainsi dire, d’une matière commune et identique. C’est ainsi que nous dirions de trois statues faites du même or, que c’est le même or, sans exprimer que l’or est le genre, les statues les espèces, ni que l’or est espèce et les statues individus. Car aucune espèce ne sort des individus qui lui appartiennent, ni ne s’étend au delà. Quand j’ai défini la nature de l’homme, qui est un nom d’espèce, ma définition renferme tous les individus hommes et ne s’étend à rien qui ne soit pas homme. Mais quand je définis l’or, ce mot ne s’applique pas seulement aux statues d’or, mais aux anneaux et à tout objet fait de ce métal ; ma définition subsiste, même si l’or n’est pas fabriqué, et les statues sont encore statues, même quand elles ne sont pas d’or. De même aucune espèce ne dépasse la définition du genre qui lui est propre. En effet, quand j’ai défini l’animal, le cheval étant une espèce de genre animal, tout cheval est animal ; mais toute statue n’est pas or. Ainsi quand nous disons de trois statues d’or que c’est le même or, nous n’entendons pas dire que l’or est le genre et les statues des espèces. Donc, quand nous disons de la Trinité qu’elle consiste en trois personnes ou substances, qu’elle est une seule essence et un seul Dieu, nous n’entendons pas dire que ces trois personnes soient en quelque sorte d’une même matière, quelques explications qui aient pu être données d’ailleurs. Car, hors de cette Trinité, il n’y a rien qui soit de son essence ; pourtant nous disons que ces trois personnes sont de la même essence ou qu’elles n’ont qu’une seule essence ; mais nous ne disons pas cela en ce sens que l’essence soit autre chose que la personne, comme, par exemple, pour trois statues faites du même or, nous pouvons dire que c’est le même or, bien que autre chose soit d’être or, autre chose d’être statue. Egalement quand nous disons de trois hommes que c’est une seule nature, ou que ces trois hommes sont de la même nature, on peut dire aussi qu’ils sont faits de la même nature, puisque en vertu de cette même nature, trois autres hommes peuvent exister ; mais il n’en est pas de même de l’essence de la Trinité, puisqu’aucune autre personne ne peut en être formée. De plus, un homme seul n’est pas autant que trois réunis, et deux sont plus qu’un ; dans des statues d’or égales, il y a plus d’or dans trois réunies que dans chacune d’elles et moins d’or dans une que dans deux. Mais en Dieu il n’en est pas ainsi le Père, le Fils et le Saint-Esprit réunis ne sont pas une essence plus grande que le Père seul ou le Fils seul ; mais ces trois substances ou personnes, comme on voudra les appeler, réunies ensemble sont égales à chacune d’elles : ce que l’homme animal ne saurait comprendre ; car il ne peut imaginer que des substances matérielles et d~s espaces plus ou moins grands, à travers les fantômes qui voltigent dans sa tête sous des formes corporelles.

12. En attendant qu’il soit dégagé de ces immondices, qu’il croie au Père, au Fils et au Saint-Esprit, en un Dieu unique, grand, tout-puissant, bon, juste, miséricordieux, créateur de toutes les choses visibles et invisibles ; qu’il croie tout ce que le langage humain peut exprimer de digne et de vrai. Et quand il entend dire que le Père est le seul Dieu, qu’il n’en sépare point le Fils ni le Saint-Esprit ; car le seul Dieu est avec celui avec lequel il ne fait qu’un Dieu : puisque, quand nous entendons dire du Fils aussi qu’il est le seul Dieu, nous ne pouvons en aucune façon le séparer du Père ou du Saint-Esprit. Qu’il confesse donc une seule et même essence, et ne se figure point une personne plus grande ou meilleure qu’une autre, ni une différence