Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/460

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quelconque entre elles. Non cependant que le Père soit le Fils et le Saint-Esprit, ni que l’attribut relatif de l’un soit celui de l’autre ; le nom de Verbe par exemple, ne se donnant qu’au Fils, et celui de Don qu’au Saint-Esprit. Et c’est pour cela qu’ils admettent le nombre pluriel, comme on le voit dans l’Evangile : « Moi et mon Père nous sommes un ( Jean, X, 30 ) ». Jésus dit tout à la fois : « Un », et : « Nous sommes ; » — « Un », quant à l’essence, parce que c’est le même Dieu : « Nous sommes », au point de vue relatif, l’un étant le Père et l’autre le Fils. Parfois l’unité d’essence n’est point exprimée, et on ne mentionne que les relatifs au pluriel : « Moi et mon Père, nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui (Id., XIV, 23 ) ». « Nous viendrons et nous ferons notre demeure », au pluriel, parce qu’il a d’abord dit : « Moi et mon Père », c’est-à-dire le Fils et le Père, deux termes relatifs. D’autres fois le sens est entièrement couvert, comme dans ce passage de la Genèse : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ( Gen., I, 26 ) ». — « Faisons, notre » : pluriels et qui ne peuvent s’entendre que dans le sens relatif. En effet, il ne s’agit pas de dieux se proposant de faire l’homme à leur image et à leur ressemblance ; mais du Père, du Fils et du Saint-Esprit créant l’homme à l’image du Père, du Fils et du Saint-Esprit, afin que l’homme soit l’image de Dieu. Or, Dieu est Trinité. Mais comme cette image n’était nullement l’égale de Dieu, quelle n’était point née de lui, mais créée par lui, on a voulu exprimer cela en disant que c’était une image faite à l’image, c’est-à-dire non pareille, mais ressemblante jusqu’à un certain point. Car ce n’est point par la distance locale, mais par la ressemblance ou la dissemblance qu’on s’approche ou qu’on s’éloigne de Dieu.

Il en est qui établissent ici une distinction, et veulent que le Fils soit l’image, et l’homme, non l’image, mais fait à l’image. L’apôtre les réfute en disant : « L’homme ne doit pas voiler sa tête, parce qu’il est l’image et la gloire de Dieu (I Cor., XI, 7 ) ». Il ne dit pas : à l’image, mais « l’image ». Pourtant, quand ailleurs on dit « à l’image », il ne s’agit pas du Fils, qui est l’image égale au Père ; autrement on ne dirait pas : « à notre image ». Pourquoi « nôtre », quand le Fils est l’image du Père seul ? Mais, comme nous l’avons dit, à cause de l’imperfection de la ressemblance, l’homme est dit fait « à l’image », et on ajoute « notre » pour que l’homme soit l’image de la Trinité, non image égale à la Trinité, comme le Fils l’est au Père, mais ressemblante en certains points, ainsi que nous l’avons expliqué. C’est ainsi qu’entre des objets différents on signale un certain rapprochement, non de lieu, mais d’imitation. En ce sens l’Apôtre a dit : « Réformez-vous dans le renouvellement de votre esprit (Rom., XII, 2 ) » ; et encore : « Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme enfants bien-aimés (Eph., V, 1 ) ». Ici en effet on s’adresse à l’homme nouveau : « qui se renouvelle à la connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé (Col., III, 10 ) ». Que si les besoins de la discussion exigent, même en dehors des noms relatifs, l’emploi du nombre pluriel afin de pouvoir répondre par un seul mot à cette question : qu’est-ce que les trois ? et que l’on soit obligé de dire trois substances eu trois personnes ; qu’au moins on écarte de son esprit toute idée de matière et d’espace, de différence quelconque ou d’infériorité de l’un vis-à-vis de l’autre, à quelque mince degré ou de quelque façon que ce soit : en sorte qu’il n’y ait aucune confusion dans les personnes, ni aucune distinction qui entraîne une inégalité. Et que la foi maintienne ce que l’intelligence ne peut comprendre, jusqu’à ce que les cœurs soient éclairés par celui qui a dit par son prophète « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (Is., VII, 9 ). »