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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/508

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revêtant de l’homme nouveau, nous nous revêtons aussi du Christ par la foi. Qui donc exclura les femmes de cette participation, alors qu’elles sont avec nous cohéritières de la grâce et que l’Apôtre dit ailleurs : « Car vous êtes tous enfants de Dieu par la foi qui est dans le Christ Jésus. Car vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez été revêtus du Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; plus d’esclave, ni de libre ; plus d’homme, ni de femme ; car vous n’êtes tous qu’une seule chose dans le Christ Jésus (Gal., III, 26, 28 ) ? » Des femmes fidèles ont-elles donc perdu leur sexe corporel ? Non ; mais comme elles sont renouvelées à l’image de Dieu là où il n’y a pas de sexe, l’homme aussi a été fait à l’image de Dieu là où il n’y a pas de sexe, c’est-à-dire dans l’esprit de son âme. Pourquoi donc l’homme ne doit-il pas se voiler la tête, parce qu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme doit voiler la sienne, parce qu’elle est la gloire de l’homme, comme si elle ne se renouvelait pas dans l’esprit de son âme, lequel se renouvelle dans la connaissance de Dieu, selon l’image de Celui qui l’a créé ? C’est parce que son sexe la plaçant à distance de l’homme, le voile qui couvre son corps a fort bien pu figurer cette partie de la raison qui s’occupe du gouvernement des choses temporelles : ainsi l’image de Dieu ne subsiste que dans la partie où l’âme humaine s’attache à contempler et à consulter les raisons éternelles ; partie que les femmes ont évidemment aussi bien que les hommes.


CHAPITRE VIII.

COMMENT S’EFFACE L’IMAGE DE DIEU.

13. Donc on reconnaît que leurs âmes sont de même nature ; mais on retrouve dans leurs corps la différence des emplois d’une seule et même âme. Aussi quand on monte intérieurement de quelques degrés de contemplation à travers les parties de l’âme, dès que l’on commence à rencontrer quelque chose qui ne nous soit plus commun avec les animaux, là commence la raison, là on peut déjà reconnaître l’homme intérieur. Que si, entraîné par cette raison à qui est déléguée l’administration des choses temporelles, il descend trop bas dans le monde extérieur, du consentement de sa tête, c’est-à-dire n’étant point cru pêché ni retenu par la partie qui est au poste du conseil et joue en quelque sorte le rôle de l’homme, il vieillit parmi ses ennemis (Ps., VI, 8 ), parmi les démons jaloux de sa vertu avec le diable leur chef ; et la vision des choses éternelles est enlevée au chef même, qui a mangé avec sa femme du fruit défendu, en sorte que la lumière de ses yeux n’est plus avec lui (Ps., XXXVII, 11 ). Ainsi nus et privés tous les deux de l’illumination de la vérité, les yeux de leur conscience s’ouvrant pour leur faire voir combien ils sont déshonorés et enlaidis, ils fabriquent un tissu de bonnes paroles sans le fruit des bonnes œuvres, comme qui dirait des feuilles de fruits agréables au goût, mais sans les fruits, afin de couvrir sous un beau langage la honte de leur coupable conduite (Gen., III ).


CHAPITRE IX.

SUITE DU MÊME SUJET.

14. En effet, l’âme éprise de sa propre puissance, quitte le rang qu’elle tient dans l’ordre universel pour s’attacher à des intérêts privés. Cédant à cet orgueil rebelle que l’Ecriture appelle « le commencement de tout péché (Eccli., X, 15 ) », alors qu’elle aurait pu suivre, au sein de la création, le Dieu qui gouverne l’univers et être parfaitement dirigée par des lois, elle a ambitionné quelque chose de plus que l’univers même qu’elle s’est efforcée d’assujettir à sa volonté ; et comme il n’y a rien de plus que l’univers, elle est refoulée dans un coin de l’espace et perd pour avoir trop désiré, ce qui a fait dire à l’Apôtre que l’avarice est « la racine de tous les maux (I Tim., VI, 5 ) » ; et tout ce qu’elle fait, quand elle agit par un motif propre contre les lois qui régissent la création, elle le fait par l’entremise de son corps, qu’elle ne possède qu’en partie. Mettant ainsi sa complaisance dans les formes et les mouvements des corps et ne les possédant pas en elle-même, elle s’égare à travers leurs images fixées dans sa mémoire, se souille misérablement par une fornication imaginaire, dirige toutes ses fonctions vers ces fins, vers la recherche curieuse des choses matérielles et temporelles au moyen de ses sens ; ou, bouffie d’orgueil, elle aspire à s’élever au-dessus des autres âmes, livrées comme elle à l’empire des