Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/568

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comme chez nous, où la mémoire, l’intelligence et l’amour ou la charité sont choses diverses ; tout n’y fait qu’un, comme la sagesse elle-même, et tout est dans la nature de chaque personne, sous la forme de substance immuable et simple. Si donc tout cela a été bien compris, et si nous avons réussi à en faire ressortir la vérité, autant qu’il nous est permis de voir et de conjecturer dans un sujet si élevé, je ne vois pas pourquoi le Père, le Fils et le Saint-Esprit étant appelés sagesse — non trois sagesses, mais une seule sagesse — pourquoi, dis-je, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne seraient pas aussi appelés charité — non trois charités, mais une seule charité. Car c’est ainsi que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que le Saint-Esprit est Dieu, et que les trois ne font qu’un seul Dieu.
29. Et cependant ce n’est pas sans raison que, dans cette souveraine Trinité, le nom de Verbe de Dieu n’est donné qu’au Fils, le nom de don de Dieu n’est donné qu’au Saint-Esprit et celui de Dieu le Père au principe dont le Verbe est engendré et dont procède en premier lieu le Saint-Esprit. J’ai dit : en premier lieu, parce qu’on découvre que le Saint-Esprit procède aussi du Fils. Mais le Père a donné cela au Fils, non en ce sens que le Fils existât avant de l’avoir ; mais tout ce que le Père a donné à son Verbe Fils unique, il le lui a donné en l’engendrant. Il l’a donc engendré de manière à ce que le Don commun procédât aussi de lui, et que l’Esprit-Saint fût l’Esprit des deux. Ce n’est donc pas rapidement et au vol, mais sérieusement qu’il faut considérer cette distinction au sein de l’indivisible Trinité. Voilà pourquoi le Verbe de Dieu a été proprement appelé Sagesse de Dieu, bien qui le Père et le Saint-Esprit soient sagesse. Si donc le nom de Charité a pu être le nom propre d’une des trois personnes, à qui convient-il mieux qu’au Saint-Esprit ? En ce sens cependant que, dans cette simple et souveraine nature, la substance et la charité ne soient pas choses différentes ; mais que la substance elle-même soit charité, et la charité substance, soit dans le Père, soit dans le Fils, soit dans le Saint-Esprit, bien que le nom de charité soit proprement attribué au Saint-Esprit.
30. C’est ainsi que sous le nom de Loi on renferme toutes les Ecritures de l’Ancien Testament. L’Apôtre, par exemple, citant ce passage d’Isaïe : « Je parlerai en d’autres langues, je tiendrai un autre langage à ce peuple », dit d’abord : « Il est écrit dans la Loi (Is., XXVIII, 11 ; I Cor., XIV, 21 ) ». Le Seigneur a dit : « Il est écrit dans la Loi : Ils m’ont haï gratuitement (Jean, XV, 25 ) », bien que ces paroles soient du Psalmiste (Ps., XXXIV, 19 ). D’autres fois, au contraire, ce mot s’applique proprement à la loi donnée par Moïse : « La loi et les prophètes jusqu’à Jean (Matt., XI, 13 ) » ; « à ces deux commandements se rattachent toute la loi et les Prophètes (Id., XXII, 40 ) ». Ici c’est proprement la loi donnée au mont Sinaï. On renferme également les psaumes sous le nom des prophètes ; et cependant le Sauveur a dit ailleurs : « Il fallait que fût accompli tout ce qui est écrit de moi dans la Loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes (Luc, XXIV, 44. ) ». On voit qu’il distingue les Psaumes des Prophètes. Ainsi donc, tantôt le mot loi renferme sans exception les Prophètes et les psaumes, tantôt il s’applique uniquement à la loi donnée par Moïse : de même tantôt on renferme les psaumes sous le nom des Prophètes, tantôt on les en distingue. Si ce n’était pour éviter des longueurs dans un sujet si clair nous pourrions prouver par beaucoup d’autres exemples qu’il est des expressions dont le sens est tantôt général, tantôt spécial. Je dis ceci, pour faire entendre qu’il n’y a aucun inconvénient à donner le nom de charité au Saint-Esprit, bien que Dieu le Père et Dieu le Fils puissent aussi s’appeler charité. 31. Donc, comme nous donnons proprement le nom de sagesse au Verbe unique de Dieu, quoique le Saint-Esprit et le Père soient aussi sagesse ; ainsi donnons-nous proprement le nom de charité au Saint-Esprit, bien que le Père et le Fils soient aussi charité. Mais le Verbe de Dieu, c’est-à-dire le Fils unique de Dieu, a été expressément appelé Sagesse de Dieu par l’Apôtre qui dit : « Le Christ Vertu de Dieu et Sagesse de Dieu (I Cor., I, 24 ) ». Quant au Saint-Esprit, nous trouverons en quel endroit il a été appelé charité, si nous étudions bien les paroles de l’Apôtre saint Jean ; car, après avoir dit : « Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, parce que la charité est de Dieu », il ajoute aussitôt : « Ainsi quiconque aime est né de Dieu ; qui n’aime point ne connaît pas Dieu parce que Dieu est charité ». Ici il fait voir que la charité qu’il appelle Dieu est celle qu’il a dit être de Dieu. La charité est donc Dieu de Dieu,