Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/580

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prosternée, où es-tu debout, en attendant que celui qui a pardonné toutes tes iniquités guérisse toutes tes langueurs (Ps., CII, 3 ) ? Tu reconnais sans doute, que tu es dans cette hôtellerie où le charitable Samaritain conduisit celui qu’il trouva percé de mille coups par les voleurs et à demi mort (Luc., X, 30-34 ). Et cependant tu as vu bien des vérités, non avec les yeux qui voient les objets sensibles, mais avec ceux que demandait celui qui disait : « Que mes yeux voient l’équité (Ps., XVI, 2 ) ». Oui, tu as vu bien des vérités et tu les as discernées à l’aide de la lumière même qui te les a fait voir ; élève maintenant tes yeux jusqu’à cette lumière même et fixe-les-y, si tu peux. Là tu verras quelle différence il y a entre la naissance du Verbe de Dieu et la procession du Don de Dieu ; pourquoi le Fils unique a dit que le Saint-Esprit n’est pas engendré du Père — autrement il serait son frère — mais qu’il en procède. D’où il suit que l’Esprit des deux étant une certaine communication consubstantielle du Père et du Fils, il ne peut — loin de nous cette erreur — être appelé leur fils. Mais tu ne peux fixer là ton regard, pour distinguer nettement, clairement, ce mystère ; je le sais, tu ne le peux. Je dis la vérité, je me la dis à moi-même, je sais ce qui m’est impossible cependant ce même regard te découvre en toi trois choses où tu peux reconnaître une image de cette souveraine Trinité, que tu ne saurais encore contempler d’un œil fixe. Il te démontre qu’il y a en toi un verbe vrai, quand il est engendré de ta science, c’est-à-dire quand nous disons ce que nous savons, bien que nous ne prononcions ni des lèvres ni de la pensée aucune parole appartenant à aucune langue ; seulement notre pensée se forme de ce que nous connaissons, puis il se produit dans le regard de la pensée une image parfaitement semblable à la pensée même que la mémoire renfermait, et ces deux choses, comme qui dirait le père et le fils, sont unies par la volonté ou l’amour qui vient se poser en tiers. Mais que cette volonté procède de la pensée — car personne ne veut ce dont il ignore absolument l’existence ou la nature — et que cependant elle ne soit pas l’image de la pensée ; par conséquent qu’on retrouve dans cette chose tout intellectuelle la différence entre la naissance et la procession, puisque voir par la pensée n’est pas la même chose que désirer, ou jouir par la volonté : c’est ce que voit et distingue celui qui en a la faculté. Cette faculté, tu l’as eue, ô mon âme, quoique tu n’aies pu et ne puisses encore exprimer suffisamment par le langage ce que tu as péniblement aperçu à travers le brouillard des images matérielles qui ne cessent d’obséder les pensées humaines. Mais cette lumière, qui n’est pas toi, t’a aussi fait voir qu’il y a une différence entre les images immatérielles des objets matériels et la vérité qui apparaît à l’intelligence quand nous les avons écartées. Cela et d’autres choses également certaines, cette lumière les a fait briller à ton regard intérieur. Qu’est-ce qui t’empêche donc de la contempler elle-même d’un œil fixe, sinon ton infirmité ? Et d’où vient cette infirmité, sinon de l’iniquité ? Par conséquent, qui guérira toutes tes langueurs, sinon Celui qui a pardonné toutes tes iniquités ? Il vaut donc mieux terminer ce livre par la prière que par la discussion.


CHAPITRE XXVIII.

CONCLUSION DU LIVRE. PRIÈRE. EXCUSES.

51. Seigneur notre Dieu, nous croyons en vous, Père, Fils et Saint-Esprit. La vérité n’aurait pas dit : « Allez, baptisez toutes les nations au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Matt., XXVIII, 19 ) », si vous n’étiez pas Trinité. D’autre part, la voix divine n’aurait pas dit : « Ecoute, Israël : le Seigneur ton Dieu est un Dieu un (Deut., VI, 4 ) », si, en même temps que Trinité, vous n’étiez un seul Seigneur Dieu. Et si vous, Dieu le Père, étiez tout à la fois Dieu le Père, et le Fils votre Verbe Jésus-Christ et votre Don le Saint-Esprit, nous ne lirions pas dans les lettres de vérité : « Dieu a envoyé son Fils (Gal., IV, 4 ; Jean, III, 17 ) » ; et vous, ô Fils unique, vous n’auriez pas dit du Saint-Esprit : « Celui que le Père enverra en mon nom (Jean, XIV, 26 ) », et encore : « Celui que je vous enverrai du Père (Id., XV, 26 ) ». Dirigeant mon intention sur cette règle de foi, je vous ai cherché, autant que je l’ai pu ; autant que vous m’avez donné de le pouvoir, j’ai désiré voir des yeux de l’intelligence, ce que je croyais ; j’ai discuté longuement, j’ai pris bien de la peine, Seigneur mon Dieu, mon unique espérance, exaucez-moi ; ne souffrez pas que la fatigue m’empêche de vous