Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/581

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chercher ; faites au contraire que je cherche toujours votre présence avec ardeur (Ps., CIV, 4 ). Donnez-moi la force de vous chercher, vous qui m’avez fait vous trouver ét m’avez donné l’espoir de vous trouver de plus en plus. Devant vous est ma force et ma faiblesse ; conservez l’une, guérissez l’autre. Devant vous est ma science et mon ignorance ; là où vous m’avez ouvert la porte, laissez-moi entrer, là où vous me l’avez fermée, ouvrez-moi quand je frappe ; que je me souvienne de vous, que je vous comprenne, que je vous aime. Augmentez en moi ces deux choses, jusqu’à ce que vous m’ayez réformé en entier. Je sais qu’il est écrit : « Tu n’échapperas pas au péché dans « l’abondance des paroles (Prov., X, 19 ) ». Mais plût au ciel que je n’ouvrisse la bouche que pour prêcher votre parole et chanter vos louanges ! Non-seulement j’éviterais le péché, mais j’acquerrais de précieux mérites, même dans l’abondance des paroles. Car cet homme que vous avez béatifié n’aurait jamais voulu conseiller le mal au fils qu’il avait enfanté dans la foi et à qui il écrivait : « Annonce la parole, insiste à temps et à contre-temps (II Tim., IV, 2 ) ». Faut-il dire qu’on ne peut accuser d’avoir trop parlé celui qui annonçait votre parole, Seigneur, non-seulement à temps, mais encore à contre-temps ? Il n’y avait rien de trop, puisqu’il n’y avait que le nécessaire. Délivrez-moi, Seigneur, de l’abondance des paroles que je subis à l’intérieur, dans mon âme si misérable à vos yeux, mais cherchant refuge dans le sein de votre miséricorde. Car, quand ma bouche se tait, ma pensée ne reste pas en silence. Si, du moins, je ne pensais qu’à ce qui vous est agréable, je ne vous prierais pas de me délivrer de l’abondance des paroles. Mais beaucoup de mes pensées, telles que vous les connaissez, sont des pensées d’homme, puisqu’elles sont vaines (Ps., XCIII, 11 ). Faites-moi la grâce de n’y pas consentir, de les réprouver même quand elles me font plaisir et de ne pas m’y appesantir dans une espèce de sommeil. Et qu’elles ne prennent jamais sur moi assez d’empire, pour exercer quelque influence sur mes actions ; mais que, sous votre sauvegarde, mon jugement soit en sécurité et ma conscience à l’abri. Un sage, parlant de vous dans son livre intitulé l’Ecclésiastique, a dit : « Nous multiplions les paroles, et nous n’aboutissons pas ; mais tout se résume en un mot : Il est lui-même tout ( Eccli., XLIII, 29) ». Quand donc nous serons parvenus jusqu’à vous, « ces paroles que nous multiplions sans aboutir », cesseront, et vous serez seul à jamais tout en tous (I Cor., XV, 28 ) ; et nous tiendrons sans fin un seul langage, vous louant tous ensemble, et unis tous en vous. Seigneur Dieu un, Dieu Trinité, que vos fidèles admettent tout ce qui m’est venu de vous dans ces livres ; et, s’il y a quelque chose de mon propre fond, pardonnez-le-moi, vous et les vôtres. Ainsi soit-il !