Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/568

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idée, on peut et saint Jean pouvait l’exprimer par l’appellation de Logos, qui veut dire verbe, parole, manifestation. Dieu est esprit ; la parole est le résultat de l’énergie spirituelle, la pointe à laquelle elle se termine ; en d’autres termes, c’est par la parole que Dieu en tant qu’esprit se manifeste de la manière la plus complète. Logos est donc une dénomination du Fils de Dieu tout à fait analogue aux expressions qui désignent dans saint Paul ce même Fils de Dieu, image, splendeur, caractère ou empreinte. D’où il suit encore que Logos est rendu de la manière la plus exacte dans la Vulgate par Verbum, verbe ou parole.

En y regardant de plus près, nous découvrons sans peine la raison pour laquelle saint Jean, pouvant appeler Logos la seconde personne divine, l’a en effet appelée ainsi. Cette raison est la même qu’avait saint Paul pour ne pas se contenter, en parlant du Fils de Dieu, de le nommer seulement Fils mais encore image du Dieu invisible, splendeur de sa gloire, caractère de sa substance. Les apôtres, témoins oculaires de la manifestation de Dieu en Jésus-Christ, avaient d’abord à raconter historiquement l’Évangile, et, sous ce rapport, ils ne pouvaient désigner le Christ autrement que comme Fils de Dieu, Fils unique du Père, le décrire autrement que comme personne divine. Mais il était impossible que, dans le cours de leurs prédications, ils ne fussent pas amenés à donner des explications propres à faire mieux comprendre l’idée de Fils de Dieu, et surtout à répondre à la question que devaient soulever leurs auditeurs : comment l’unité de Dieu n’était-elle point détruite lorsqu’on parlait du Père et du Fils (et du Saint-Esprit) ? On connaît la réponse de saint Paul et les expressions citées plus haut, par lesquelles il s’efforce de bien indiquer la nature du Fils ; celle de saint Jean est la domination même de λόγος, par laquelle il désigne le Christ comme Verbe ou Parole de Dieu. Qu’on le remarque bien, ce n’est point quand il parle en historien, c’est quand il veut donner des explications théoriques, définir des idées, que saint Jean se sert de cette expression. Dans l’Évangile il raconte l’histoire de Dieu fait homme, et alors il le nomme toujours Fils du Dieu, Fils unique du Père ; mais dans le prologue, c’est-à-dire dans l’introduction à son Évangile, il veut exprimer ce qu’est en lui-même ce Fils de Dieu dont il va raconter l’histoire, l’idée que l’on doit s’en faire : Il faut, dit-il, se le représenter comme Logos, comme manifestation personnelle de Dieu, comme Dieu manifesté. Comp. Apoc. xix, 13.

Mais n’y avait-il pas, dans les systèmes philosophiques ou religieux qui régnaient à cette époque, assez d’éléments pour donner à saint Jean, indépendamment de l’assistance du Saint-Esprit ou des enseignements de Jésus, l’idée et le nom de son Logos ? Quelques adversaires de la révélation l’ont soutenu ; mais quand il s’agit d’indiquer la source où saint Jean aurait puisé, ils se partagent en deux classes principales.

1. Les uns prétendent que saint Jean a emprunté sa doctrine du Logos aux Thargumim d’Onkelos et de Jonathan ben Usiel. Ces deux rabbins, à peu près contemporains de Jésus-Christ, ont composé des paraphrases, le premier du Pentateuque, le second des Prophètes ; ces paraphrases sont