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LE DÉBUT DE LA RÉVOLUTION

Ils croyaient avoir reçu de leurs commettants le mandat impératif de ne pas accorder un sol de subside avant l’établissement d’une Constitution[1]. Aussi, dès le 6 juillet, nommèrent-ils un Comité de Constitution (de trente membres). Le 9, au nom de ce Comité, Mounier présenta un plan de travail en articles, où il entreprenait de préciser les droits de la nation et ceux du roi : 1o par une déclaration des droits (dont La Fayette, en son nom personnel, présenta, le 11, un premier projet) ; 2o par l’exposé des « principes constitutifs de la monarchie ».

La cour, de son côté, hâtait les préparatifs du coup d’État, en vue de dissoudre l’Assemblée nationale. Une armée de mercenaires étrangers, avec une nombreuse artillerie, bloque l’Assemblée, l’intercepte de Paris.

L’Assemblée demande au roi d’éloigner les troupes (8 et 9 juillet).

Le roi refuse avec hauteur (11 juillet), propose ironiquement à l’Assemblée de la transférer à Noyon ou à Soissons, et, jetant le masque, renvoie Necker, forme un ministère de coup d’État.

L’Assemblée prend une belle attitude, déclare que les ministres renvoyés emportent son estime et ses regrets, « que les ministres et agents civils et militaires de l’autorité sont responsables de toute entreprise contraire aux droits de la nation et aux décrets de cette Assemblée », rend personnellement responsables les ministres actuels et conseils de Sa Majesté, « de quelque rang et état qu’ils puissent être », décrète qu’elle persiste dans ses arrêtés des 17, 20 et 23 juin, et réclame de nouveau le renvoi des troupes.

La guerre est déclarée. D’un côté, c’est le roi, appuyé sur les privilégiés ; de l’autre, l’Assemblée nationale, qui représente la nation. Dans ce duel de la force et du droit, ou, si on aime mieux, du passé et de l’avenir, de la politique de statu quo et de la politique d’évolution, la cause du droit semblait vaincue par avance. Il n’y avait qu’à faire marcher ces régiments de mercenaires étrangers, incarcérer les chefs de l’Assemblée, expédier les autres dans leur province. Quelle résistance auraient pu faire les Constituants ? Des attitudes romaines, des mots historiques n’eussent point détourné les baïonnettes. Sans doute cette dispersion de l’Assemblée n’aurait pas obtenu l’assentiment de la France, et cet assentiment était indispensable à la royauté pour obtenir l’argent qu’elle n’avait pas et sans lequel elle ne pouvait vivre. Oui, le roi eût été forcé plus tard à convoquer d’autres États généraux. Mais, en attendant, l’ancien régime continuait, la Révolution était ajournée.

Pour que l’Assemblée nationale se tirât de ce pas hasardeux, il fallait une sorte de miracle : qu’elle trouvât une armée à opposer à l’armée du roi, et on sait que ce miracle eut lieu, par l’intervention spontanée de Paris.

  1. Rapport de Mounier du 9 juillet 1789, p. 7 (relié dans le Procès-verbal, t. I) : « Nos commettants nous ont défendu d’accorder des subsides avant l’établissement de la constitution. Nous obéirons donc à la nation en nous occupant incessamment de cet important ouvrage. »