que moi la victime de mon imprudence. » L’air retentissait de ses douloureuses plaintes ; elle invoquait les dieux, elle appelait les fées à son secours, et les dieux et les fées l’avaient abandonnée : le chariot fut renversé, elle n’eut par la force de se jeter assez promptement à terre, son pied demeura pris entre la roue et l’essieu. Il est aisé de croire qu’il ne fallait pas moins qu’un miracle pour la sauver après un si terrible accident.
Elle resta enfin étendue sur la terre au pied d’un arbre ; elle n’avait ni pouls ni voix ; son visage était tout couvert de sang. Elle était demeurée long-temps en cet état ; lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle vit auprès d’elle une femme d’une grandeur gigantesque, couverte seulement de la peau d’un lion, ses bras et ses jambes étaient nus, ses cheveux noués ensemble avec une peau sèche de serpent, dont la tête pendait sur ses épaules, une massue de pierre à la main, qui lui servait de canne pour s’appuyer, et un carquois plein de flèches au côté. Une figure si extraordinaire persuada la reine qu’elle était morte ; car elle ne croyait pas qu’après de si grands accidens elle dût vivre encore, et parlant tout bas : « Je ne suis point surprise, dit-elle, qu’on ait tant de peine à se résoudre à la mort, ce qu’on voit en l’autre monde est bien affreux. « La géante qui l’écoutait ne put s’empêcher de rire de l’opinion ou elle était d’être morte : « Reprends tes esprits, lui dit-elle, sache que tu es encore au nombre des vivans ; mais ton sort n’en sera guère moins